À la croisée des lâches et des héros

Film : Dunkerque (2017)

Réalisateur : Christopher Nolan

Acteurs : Fionn Whitehead (Tommy), Tom Hardy (Farrier), Mark Rylance (Dawcett), Kenneth Branagh (Commandant Bolton)

Durée : 01h47


Le « Miracle de Dunkerque » tient enfin son film, et il ne fallait pas moins que Christopher Nolan pour s’en charger (Inception, Interstellar), bien que débutant dans l’art de la guerre. 

 

Le « novice » s’en tire avec maestria. Inspiré des films muets pour la longue scène d’exposition, mettant en place une tension palpable jusqu’au générique, Nolan n’a qu’un but : faire sentir au spectateur la pression, la peur de mourir du fantassin sur les plages, du marin en mer, ou du pilote dans la toute petite cabine de son Spitfire. 

 

Pas de puzzle scénaristique pour une fois chez le réalisateur, mais tout de même, une narration pensée pour terminer comme une chanson de rock’n roll : en bouquet final. 

Immersif, grâce à un son incroyablement prenant, et quelques scènes à suspense aussi simples qu’efficaces, Dunkerque s’affirme techniquement magistral. Se contenter d’une télévision pour regarder ce spectacle, avec cette avalanche sonore, serait une effroyable erreur. Certains se délecteront de la musique angoissante de Zimmer, bien que la redondance de certains de ces effets devienne parfois envahissante et surfaite. Stop au pseudo coup de génie de ne pas regarder le film pour composer (comme pour Interstellar) : le suspense à l’écran se passerait plusieurs fois d’un tel boucan. Quand il entend trop une musique dans un film, le spectateur se rappelle : « ah c’est vrai, c’est un film », et l’illusion du réel entretenue jusque-là s’effondre. 

 

À part ce bémol musical, notons que Dunkerque n’est pas qu’une prouesse technique de plus pour Nolan. Avec bien plus de nuance que beaucoup d’autres réalisateurs pourtant davantage spécialistes (Steven Spielberg, Ridley Scott), il rejette tout manichéisme : dans une armée, il y a des hommes, en qui la tentation du mal et de la faiblesse existe. C’est ainsi qu’il n’hésite pas à présenter d’authentiques lâches, tout comme quelques héros exemplaires. Son approche de la libération des passions sur le champ de bataille, par peur de mourir, aurait mérité davantage de temps (le film est assez court, 1h45, ce qui est regrettable quand on veut faire peser la situation des personnage sur le spectateur). La cruauté de la guerre est également admirablement rendue, illustrée par la déloyauté de certains combats (un avion contre un voilier, good luck !).

 

Alors quelques-uns, souvent sans avoir vu le film, s’insurgent contre un présumé « silence » vis-à-vis de l’épique sacrifice de l’armée française pour laisser les Britanniques décamper. Si la mention de ces faits de gloire militaire manque en fin de film en effet, il ne faut pas tout de même oublier que la scène d’ouverture montre les dits Français protégeant la retraite d’un soldat anglais dans les rues de la ville assiégée. N’oublions pas non plus la citation explicite de l’officieuse volonté de Churchill, faisant partir ses troupes et délaissant les Français, bien éloignée de ses officiels mensonges prétendant que les uns se battraient aux côtés des autres. 

 

Réglé comme du papier à musique, restituant au passage la vitesse à laquelle une tactique doit se décider pour survivre, doté de quelques décors identiques à la vraie plage de 1940, le film Dunkerque est déjà un classique du genre. Des tirs, des bombes, des naufrages, des lâches, des héros, des injustices et des miracles : la guerre dans ce qu’elle de plus sublime et de plus atroce, le tout dans une pudeur bienvenue, et inattendue pour le genre. Un hymne aux courageux, à la beauté du sacrifice, notamment lord d’un final aussi éblouissant qu’édifiant. Dans une époque où les héros sont davantage des youtubeurs, des footballeurs, des acteurs ou des chanteurs, Dunkerque vient rappeler que le vrai courage, la vraie grandeur, le vrai amour, est de pouvoir donner sa vie pour les autres. Et encore un coup de maître pour Christopher Nolan.  

Commentaires

Portrait de Bastien
Haletant, enrichissant, objectif

Très intéressant d'avoir des focus sur l'histoire, notamment de la seconde guerre, et surtout lorsque le film se rapproche du documentaire…
un film à recommander à le monde, autant pour l'intérêt historique, psychologique, cinématographique…