Michael Bay avait besoin de renouer avec l’Histoire. Son Pearl Harbor (2001), autant moqué qu’admiré (cela dépend du public), lui manquait. Son drôlissime No Pain, No Gain (2013) l’avait embarqué sur une histoire vraie, mais burlesque. Un dernier Transformers (4e du nom, 2014) ensuite, celui de trop (on peut considérer que les quatre sont de trop, mais je vous laisse en penser ce que vous voulez) … Il était temps de reprendre les choses sérieuses et plus graves.
Le 11 septembre 2012, les gais lurons libyens de l’Etat Islamique décident de faire une boum commémorative d’un grand anniversaire à l’ambassade américaine de Benghazi. Six bourrins (oh on est méchant, ce sont peut-être de vrais héros) de service prennent l’initiative de secourir l’ambassadeur pris au piège, à l’encontre de leur hiérarchie. Michael Bay est heureux : voilà l’occasion pour lui de pondre sa Chute du faucon Noir (Ridley Scott, 2001).
Et on peut dire que malgré son manque de finesse évident, le vieux Bay a pas mal de cordes à son arc : il brandit une tension permanente et un rythme endiablé comme une épée de Damoclès au-dessus du spectateur. Aidé par une musique guerrière (aussi bonne sur l’action que banale au piano sur les séquences émotion) et une photo absolument remarquable, il livre un mélange explosif de nombre de qualités et de défauts : les premières sont celles d’un film inspiré entre guerre et western (les djihadistes sont un peu les Indiens d’autrefois… au cinéma bien sûr), les seconds sont ceux de Michael Bay, un peu ceux de Pearl Harbor d’ailleurs : beaucoup de clichés gros comme des obus sur la relation entre les soldats et leur famille. Tous les stéréotypes de ce lien entrent en scène, et ne tiennent la route in extremis que grâce au bon jeu d’une demi-douzaine d’acteurs méconnus, un peu poseurs, mais doués tout de même.
On sent l’impact des jeux vidéos sur l’œil du réalisateur (une sorte de Call of Duty, ce 13 Hours), tant sur un plan frappant à la première personne que sur la succession de vagues d’ennemis, qui rend l’action certes plus immersive, mais a tendance à nous sortir de la tête qu’il s’agit d’une histoire vraie.
La critique envers la bureaucratie est-elle puérile ? Difficile à dire : il est vrai que la lenteur des autorisations a laissé des dégâts supplémentaires arriver, et que les gens ayant vécu cet épisode récent ont peut-être une dent contre les « planqués » des machines à écrire (ça fait plus bête qu’ « ordinateur », on est d’accord). En même temps, on peut comprendre que les décideurs américains soient frileux en renforts, après le fiasco de Somalie en 1993, conté justement par La Chute du Faucon Noir dont nous parlions (entre autres opérations ratées ces vingt-cinq dernières années). En revanche, on peut accuser le film d’enfantillage sur le personnage censé incarner la dite bureaucratie, trop lâche pour laisser la réponse du dilemme bureau-guerriers au spectateur. « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires » disait Talleyrand. Le débat reste ouvert, surtout sur un film relatant une guerre décidée par les politiciens, et ayant plongé la Lybie dans un chaos indescriptible.
Là-dessus d’ailleurs, 13 Hours essaie à la fois d’avoir une historique objectivité, en reconnaissant ce chaos. Mais nul n’est pointé du doigt. L’Histoire se passe en effet de jugements. Mais quand un soldat américain sort à un Libyen « ça va être à votre pays de régler ça », en parlant de l’allégeance à l’Etat Islamique de la moitié du pays, on se demande si c’est le personnage, ou le réalisateur, qui se paie notre tête (et surtout celle du Libyen). Malheureusement, malgré ses intentions neutres au départ, 13 Hours finit par faire du manichéisme : les bons Libyens démocrates avec les Occidentaux d’un côté, les Barbus de l’autre. Sans jamais se demander ce que vaut la propagation de soi-disant démocraties à coup de bombes. Et bien sûr, l’Islam n’a rien à voir avec des guerriers hurlant « Allahu akbar », comme le dit une Libyenne voilée du film. Et si c’était elle, qui n’avait rien à voir avec l’Islam ?
Bref, un excellent film de guerre, très divertissant, manquant donc d’un poil de complexité supplémentaire (poil qu’avait le dernier grand film de guerre sorti, celui de Clint Eastwood sur la guerre en Irak, American Sniper, 2015), entaché de quelques phases stéréotypées, et d’un message certes critique de quelques états de faits, mais chantant encore et toujours pour l’Empire du Bien. Si les « papa quand est-ce que tu reviens de la guerre ? » ne réveillent pas vos ulcères et que vous êtes un amateur du genre, foncez.
Après tout, au-delà des polémiques sur la Lybie, il s’agit tout de même d’une aventure louant le courage et le sens du sacrifice, admiratif du don de soi-même du soldat, lui qui est plus souvent bafoué que remercié au cinéma. Difficile de remercier les fers de lance d’une guerre injuste me direz-vous… L’idéalisme mène des hommes en d’absurdes endroits ! On doit bien rire à la Maison Blanche, de l’idéalisme du guerrier, qui croit servir la démocratie, quand il ne sert que Mac Donald’s. Est là toute la cruauté dont le soldat d’aujourd’hui est victime !
Michael Bay avait besoin de renouer avec l’Histoire. Son Pearl Harbor (2001), autant moqué qu’admiré (cela dépend du public), lui manquait. Son drôlissime No Pain, No Gain (2013) l’avait embarqué sur une histoire vraie, mais burlesque. Un dernier Transformers (4e du nom, 2014) ensuite, celui de trop (on peut considérer que les quatre sont de trop, mais je vous laisse en penser ce que vous voulez) … Il était temps de reprendre les choses sérieuses et plus graves.
Le 11 septembre 2012, les gais lurons libyens de l’Etat Islamique décident de faire une boum commémorative d’un grand anniversaire à l’ambassade américaine de Benghazi. Six bourrins (oh on est méchant, ce sont peut-être de vrais héros) de service prennent l’initiative de secourir l’ambassadeur pris au piège, à l’encontre de leur hiérarchie. Michael Bay est heureux : voilà l’occasion pour lui de pondre sa Chute du faucon Noir (Ridley Scott, 2001).
Et on peut dire que malgré son manque de finesse évident, le vieux Bay a pas mal de cordes à son arc : il brandit une tension permanente et un rythme endiablé comme une épée de Damoclès au-dessus du spectateur. Aidé par une musique guerrière (aussi bonne sur l’action que banale au piano sur les séquences émotion) et une photo absolument remarquable, il livre un mélange explosif de nombre de qualités et de défauts : les premières sont celles d’un film inspiré entre guerre et western (les djihadistes sont un peu les Indiens d’autrefois… au cinéma bien sûr), les seconds sont ceux de Michael Bay, un peu ceux de Pearl Harbor d’ailleurs : beaucoup de clichés gros comme des obus sur la relation entre les soldats et leur famille. Tous les stéréotypes de ce lien entrent en scène, et ne tiennent la route in extremis que grâce au bon jeu d’une demi-douzaine d’acteurs méconnus, un peu poseurs, mais doués tout de même.
On sent l’impact des jeux vidéos sur l’œil du réalisateur (une sorte de Call of Duty, ce 13 Hours), tant sur un plan frappant à la première personne que sur la succession de vagues d’ennemis, qui rend l’action certes plus immersive, mais a tendance à nous sortir de la tête qu’il s’agit d’une histoire vraie.
La critique envers la bureaucratie est-elle puérile ? Difficile à dire : il est vrai que la lenteur des autorisations a laissé des dégâts supplémentaires arriver, et que les gens ayant vécu cet épisode récent ont peut-être une dent contre les « planqués » des machines à écrire (ça fait plus bête qu’ « ordinateur », on est d’accord). En même temps, on peut comprendre que les décideurs américains soient frileux en renforts, après le fiasco de Somalie en 1993, conté justement par La Chute du Faucon Noir dont nous parlions (entre autres opérations ratées ces vingt-cinq dernières années). En revanche, on peut accuser le film d’enfantillage sur le personnage censé incarner la dite bureaucratie, trop lâche pour laisser la réponse du dilemme bureau-guerriers au spectateur. « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires » disait Talleyrand. Le débat reste ouvert, surtout sur un film relatant une guerre décidée par les politiciens, et ayant plongé la Lybie dans un chaos indescriptible.
Là-dessus d’ailleurs, 13 Hours essaie à la fois d’avoir une historique objectivité, en reconnaissant ce chaos. Mais nul n’est pointé du doigt. L’Histoire se passe en effet de jugements. Mais quand un soldat américain sort à un Libyen « ça va être à votre pays de régler ça », en parlant de l’allégeance à l’Etat Islamique de la moitié du pays, on se demande si c’est le personnage, ou le réalisateur, qui se paie notre tête (et surtout celle du Libyen). Malheureusement, malgré ses intentions neutres au départ, 13 Hours finit par faire du manichéisme : les bons Libyens démocrates avec les Occidentaux d’un côté, les Barbus de l’autre. Sans jamais se demander ce que vaut la propagation de soi-disant démocraties à coup de bombes. Et bien sûr, l’Islam n’a rien à voir avec des guerriers hurlant « Allahu akbar », comme le dit une Libyenne voilée du film. Et si c’était elle, qui n’avait rien à voir avec l’Islam ?
Bref, un excellent film de guerre, très divertissant, manquant donc d’un poil de complexité supplémentaire (poil qu’avait le dernier grand film de guerre sorti, celui de Clint Eastwood sur la guerre en Irak, American Sniper, 2015), entaché de quelques phases stéréotypées, et d’un message certes critique de quelques états de faits, mais chantant encore et toujours pour l’Empire du Bien. Si les « papa quand est-ce que tu reviens de la guerre ? » ne réveillent pas vos ulcères et que vous êtes un amateur du genre, foncez.
Après tout, au-delà des polémiques sur la Lybie, il s’agit tout de même d’une aventure louant le courage et le sens du sacrifice, admiratif du don de soi-même du soldat, lui qui est plus souvent bafoué que remercié au cinéma. Difficile de remercier les fers de lance d’une guerre injuste me direz-vous… L’idéalisme mène des hommes en d’absurdes endroits ! On doit bien rire à la Maison Blanche, de l’idéalisme du guerrier, qui croit servir la démocratie, quand il ne sert que Mac Donald’s. Est là toute la cruauté dont le soldat d’aujourd’hui est victime !