Amour sur place ou à emporter

Film : Amour sur place ou à emporter (2013)

Réalisateur : Amelle Chahbi

Acteurs : Amelle Chahbi (Amelle), Noom Diawara (Noom), Aude Pepin (Barbara),Pablo Pauly (Julien)

Durée : 01:25:00


Amelle Chahbi, l'Alexandra Lamy marocaine, passe pour la première fois derrière la caméra et réalise un film qu'elle a pu longuement mûrir, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de l'adaptation de sa pièce à succès, qu'elle coécrivit avec Noom Diawara en 2011 !

Les deux compères jouaient déjà tous les deux dans la pièce, ils se retrouvent donc maintenant à l'écran avec leurs propres prénoms, et le Djamel Comedy Club, reprise de la troupe fondée par Amelle Chahbi elle-même, est ici présent, pas au grand complet certes, mais saupoudré tout au long du film.

L'ensemble est relativement bien construit quoique peinant à masquer une succession de sketches parfois vraiment drôles mais souvent décousus. Le rythme est nerveux, les acteurs presque attachants et le tout n'est pas désagréable à regarder.

Cette romance inter-ethnique parlera certainement plus à ceux qui sont concernés par le problème. Si vous n'êtes pas d'origine étrangère et que vous n'êtes pas en couple avec quelqu'un d'ethnie différente, cette comédie ne vous touchera que de loin, surtout si vous n'avez pas pour habitude de parler le verlan. Dans le film, les mots les plus grossiers sont en effet « verlanisés » (à ne pas confondre avec « verleinisés, » rien à voir), mais n'oublient pas de charrier leurs sens sous la ceinture, l'entrejambe étant la grande obsession du scénario.

Évidemment, box-office oblige, certains thèmes abordés sont universels.

Le premier est récurrent dans la mouvance du Djamel Comedy Club : la blague raciste. Cette jeune génération, issue de l'immigration mais se sentant bien française, a obtenu une sorte de laissez-passer qui exonère de toute poursuite judiciaire. Dès lors, les Arabes peuvent caricaturer les noirs, et réciproquement, en prenant soin néanmoins de le faire sur le ton de la demi-plaisanterie, comme lorsqu'on veut passer un message sans être pris la main dans le sac. Alors le public peut rigoler, pratiquer la catharsis à volo, et profiter de ces moments où la traque anti-fasciste n'entre pas faute d'argument.

Le deuxième est le plus vieux thème du monde : la romance. Problème : dans le film elle ne décolle pas du sol. Les projets communs ne sont pas ébauchés (le premier projet commun naturel, l'enfant, est brutalement écarté par une pilule du lendemain amenée dans un comique de situation essoufflé), la tendresse et la prévenance absente. Toute la séduction repose sur un jeu de rivalité et de domination qui plaira certainement aux idéologues de la relation (féministes en tête), mais qui finit d'être drôle très rapidement parce que sans épaisseur.

La différence de point de vue des filles et des garçons sur le sexe, pierre angulaire du script, aurait pu donner lieu à des choses intéressantes (Amelle est romantique, Noom obsédé par le sexe), mais elle ne s'épanouit pas dans cette relation sèche.

Il ne reste donc de cette comédie que quelques gags vaguement drôles. Amelle Chahbi a du talent, mais doit maintenant le montrer au cinéma.