Au coeur de l'Océan

Film : Au coeur de l'Océan (2015)

Réalisateur : Ron Howard

Acteurs : Chris Hemsworth (Owen Chase), Benjamin Walker (George Pollard), Cillian Murphy (Matthew Joy), Ben Whishaw (Herman Melville)

Durée : 02:01:00


On oublie souvent que l'auteur de Moby Dick, Herman Melville, fut lui-même chasseur de baleine. Sur les bâtiments qu'il fréquentait, on racontait l'histoire de l'Essex, ce baleinier attaqué par un monstre marin blanc. Retranscrite par Nathaniel Philbrick dans son ouvrage Au cœur de l'océan, cette histoire devait tôt ou tard hanter l'imagination d'un scénariste.

 

On connaît la valeur littéraire de Moby Dick, et toutes les élucubrations qui ont été faites sur le sujet (la baleine n'étant que le miroir de l'homme qui finit par s'y voir tel qu'il est, un monstre plus monstrueux que celui qu'il chasse). Au milieu des habituels encensements mutuels des acteurs, des producteurs et du réalisateur, le dossier de presse tente de s'inscrire dans les mêmes méandres. L'histoire, très actuelle, serait l'histoire de l'homme contre l'homme, de l'homme contre la nature, et de l'homme contre lui-même. Bon… Si vous voulez, mais ce n'est finalement pas tellement ce qui ressort.

 

Admirablement bien fait sur le plan technique, dans sa première moitié, le film joue surtout sur la peur du chasseur quand il devient traqué par une proie plus puissante que lui. Soyons clairs : c'est facile d'exploser une baleine, mais une fois qu'elle a décidé de vous pourrir la vie, on rigole moins. C'est très fascinant, cette faculté de l'homme à asservir plus fort mais plus bête (gentil ?) que lui ! Organisez un combat entre un cornac et un éléphant, et vous verrez le résultat ! Pourtant, ce sont les cornacs qui commandent ! Éléphants de tous les pays, unissez-vous !

Dans cette veine, le film aurait donc pu tomber dans une insupportable propagande écologiste, en montrant les baleines souffrir et pleurer, ou des hommes sadiques jouir de leurs tueries. Ici, rien. Les chasseurs tuent, les baleines meurent, avec, c'est vrai, des cris ridicules de dinosaures en souffrance. Mais reconnaissons que cela aurait pu être bien pire !

 

Dans la deuxième partie du film, c'est-à-dire au moment où la baleine décide de laisser les hommes un peu tranquilles, histoire qu'ils profitent du paysage, s'installe un survival plus banal, dans lequel les hommes, naufragés, doivent survivre dans les flots déchaînés, surmonter leur fin et leur soif. On tire alors à la courte-paille, pour savoir qui, qui, qui serait mangé, ohé ohé, et là, c'est le drame. On réalise soudain toute l'horreur de la situation.

Là cher, lecteur, vous pouvez peut-être m'aider… N'ayant jamais été naufragé moi-même, j'ai du mal à comprendre comment on peut mourir de faim au milieu de l'océan. J'imagine naïvement que ce ne doit pas être si compliqué de choper un ou deux poissons par jour. Mais bon il doit y avoir un empêchement. Je ne sais pas.

Bref, les hommes meurent, se mangent entre eux, et Ron Howard parvient admirablement bien à nous plonger dans l'angoisse des naufragés.

 

A travers de ces péripéties, le film a l'occasion de poser des questions à peu près intéressantes.

La question de l'honnêteté d'abord. Le capitaine doit-il céder aux pressions de la société qui l'emploie et cacher la vérité pour sauver la réputation des baleiniers. Pardon ? C'est tout pourri comme question ? Bon j'avoue…

La question de la famille ensuite, presque anecdotique. « Ouin ouin, mon mari part chasser la baleine alors que je suis enceinte, s'il en réchappe son fils ne le connaîtra même pas, s'il te plaît chéri n'y vas pas et devient marchand. » [spoil]La scène finale dans laquelle le père retrouve son fils manque donc cruellement d'émotion.[/spoil] On ne peut pas vraiment dire que le film pénètre profondément les strates du questionnement existentiel.

Reste à savoir si la relation entre la baleine et le marin Chase arrive à la cheville du roman. Hé bien oui, mais pas plus haut que la cheville. Aucun romantisme au service d'une quelconque focalisation interne. Chase chasser, Chase taper, Chase flipper, Chase laisser partir baleine qui le regarde avec son gros œil de baleine et c'est plié, vous n'aurez rien de plus.

 

Techniquement très au point, bon divertissement, le film n'est donc qu'un embrun fugace de l'histoire du cinéma mais, après tout, rien n'interdit de se changer fugacement les idées !