Belle exploration de la révolution génétique

Film : Bienvenue à Gattaca (1997)

Réalisateur : Andrew Niccol

Acteurs : Ethan Hawke (Vincent Freeman), Jude Law (Jerome Eugene Morrow), Gore Vidal (Director Josef), Uma Thurman (Irene Cassini), Alan Arkin (Detective Hugo), Xander Berkeley (Dr. Lamar), Jayne Brook (Marie...

Durée : 1h 46m


Gattaca est un monde imaginaire construit par l'excellent Andew Niccol (Lord of War, Time Out, Good Kill). Le monde idéal de la fin des années 1990, dans lequel la percée d'une nouvelle science, la génétique médicale, occasionnait les rêves les plus fous, comme celui de programmer des individus en choisissant leurs gènes ou de retrouver des coupables simplement grâce à un cheveu ou à un échantillon de salive. Doté d'un excellent scénario, le film explore toutes les potentialités procurées par cette révolution scientifique. Il imagine la fécondation in vitro (FIV) comme le paradigme du choix génétique des parents pouvant donner naissance à un enfant "parfait", c'est-à-dire pouvant réussir dans sa vie professionnelle grâce à un haut degré de performances, et bien sûr de vivre le plus longtemps possible. L'enfant de la Providence, c'est-à-dire celui conçu selon les aléas de la nature est alors regardé comme une anomalie qui aura toutes les chances de s'intégrer plus difficilement en société et de voir son espérance de vie contrariée par un plus grand nombre de risques. C'est le triomphe du constructivisme génétique qui rend l'intelligence scientifique supérieure à ce que produit la nature. 

 

Mais Niccol va au-delà de ce simple constat. Il montre que la science crée en contrepoids un nouveau type de discrimination : elle érige même la discrimination en science, en fonction de la sélection selon les gènes. L'approche du film adopte donc un angle de vue critique sur ce monde qui revêt de façon décomplexée les oripeaux du déterminisme scientifique, et où la vie perd nécessairement son naturel et son charme. L'histoire montre comment deux frères, l'un né "par accident" et l'autre né programmé, vont s'en sortir dans la vie. Elle raconte principalement le chemin de Vincent (Ethan Hawke), fils de la nature, dont le rêve de devenir astronome semble barré par la route de sa fragilité cardiaque. Comme dans un thriller, Vincent conçoit un plan machiavélien pour échanger son identité avec celle de Jérôme (Jude Law), un jeune au profil "parfait", qui rêvait lui aussi de partir dans l'espace, mais qui s'est brisé les jambes dans un accident. Jérôme espère vivre son rêve à travers la réussite de Vincent. Mais Vincent parviendra-t-il à adopter cette identité fictive, à franchir les contrôles permanents du sang, de l'ADN, des urines, se dressant sur son chemin, sans se faire pincer ? Le scénario se met alors dans la peau du pirate génétique cerné de toutes parts, lorsqu'une enquête pour meurtre se dresse sur les traces de son identité réelle entrevue au hasard d'un simple cil découvert sur les lieux du crime ! L'échange d'identité génétique entre les deux hommes produit le même suspense que dans Volte-Face (John Woo, 1997).

 

Au final, on ne s'ennuie pas un instant devant ce bon thriller scientifique qui tente de dessiner le portrait d'une exception à une science imaginée omnipotente. Cette exception, répond Niccol, est celle du facteur humain, qui permet de réussir mystérieusement des choses en apparence impossibles. Au déterminisme scientifique, il oppose alors le volontarisme humain : "J'y arrive, dit Vincent à son frère parfait, parce que je n'économise jamais mes forces". L'opposition nature/culture au début du film cède donc le pas à une opposition culture scientifique/culture volontariste. Reste-t-il donc des éléments de la Providence originelle ? Peut-être bien, si l'on considère le rôle tenu par une séduisante silhouette (Uma Thurman), mue par la force de l'intuition, qui va se pencher sur la destinée du subtil Vincent, comme pour le raccrocher à sa dimension d'homme terrestre, fait dans le limon de l'incertitude, de l'espérance non programmée et de la vie aléatoire. En conclusion, ce film propose une réflexion intéressante et très aboutie pour l'époque, dans le domaine précurseur de ce qui deviendra plus tard l'homme augmenté, l'homme réparé par la science : le transhumanisme.