Birdman

Film : Birdman (2014)

Réalisateur : Alejandro González Iñárritu

Acteurs : Michael Keaton (Riggan Thomson), Zach Galifianakis (Brandon), Edward Norton (Mike Shiner), Andrea Riseborough (Laura)

Durée : 01:59:00


Vanitas vanitatum, et omnia vanitas ! Un acteur aux gloires pop-corn passées veut monter sur les planches de Broadway. Le Saint Graal évidemment, le tremplin vers la gloire, le rêve de tout acteur américain, ou la marche trop haute pour les médiocres poussés par un rêve, celui d’être un grand parmi les grands.

Le désir de gloire, de reconnaissance, d’amour par le monde entier anime un pauvre type, bon acteur, mais père absent. Autour de lui, c’est le même cinéma : un collègue jouant la comédie jour et nuit, génial comédien, médiocre vivant. « Le monde est un théâtre et nous en sommes les personnages », disait Shakespeare. Non par « dramatocentrisme », si l’on peut se permettre ce barbarisme, mais pour montrer qu’en société, nous sommes masqués. Et quand sonne l’heure des quatre vérités, l’épreuve est dure. Et Dieu sait que nul n’est prophète en son pays ; or, notre acteur, le « Birdman », a sa famille, et quelques rêveurs dans son genre pour faire éclater la triste vérité sous ses yeux. Est-il un géant, ou « un bouffon » ? Mais le géant, est-il si grandiose que cela ?

Riant de la vanité de la quête de gloire, montrant la faiblesse de ceux qui veulent être génies, Birdman est une réflexion tantôt caustique, tantôt mélancolique sur la place de l’homme dans ce vertigineux univers. Peinture réaliste du monde du théâtre, des hommes dans leur grandeur et leur vulgarité, du feu des projecteurs à la cabine d’U.V., en passant par le baiser lesbien inexplicable et les engueulades en plein salut final, le film choisit le milieu le plus représentatif de sa thèse pour la bien faire comprendre. Aussi brille-t-il par un texte parant d’une touchante authenticité un discours complexe.

Message d’artiste grondant contre les torrents d’or que le public donne à de médiocres spectacles (souvenez-vous, « les Français aiment la merde », disait Baudelaire à ce sujet ; rien n’a changé !), et message de philosophe pour peindre l’homme et ses châteaux en Espagne, Birdman est non seulement bien écrit, mais magistralement joué. Michael Keaton, choisi pour ses réelles similitudes avec le rôle, et Edward Norton, ici ressuscité, dans de longs plans séquences, livrent des prestations de référence. Les plans sont si volontairement longs (mais jamais ennuyeux, bien au contraire) qu’on se croirait, justement, au théâtre.

 

Intelligent, lucide, énigmatique parfois, Birdman est à la fois une introspection profonde et une bluffante démonstration d’acting. Un régal pour amoureux de la scène, avec ou sans caméra, qui n’a donc pas volé ses quatre Oscars.