Brodeuses

Film : Brodeuses (2003)

Réalisateur : Eléonore Faucher

Acteurs : Lola Naymak (Claire), Ariane Ascaride (Mme Melikian), Thomas Laroppe (Guillaume), Marie Félix (Lucile), Arthur Quehen (Thomas), Jackie Berroyer (M.Lescuyer), Anne Canovas (Mme Lescuyer) .

Durée : 01:28:00


Ce premier long-métrage d'Eléonore Faucher, dont le titre n'est pas particulièrement attractif pour les incultes de la couture, nous donne à voir la situation de quelques personnes dans un village de province. La scénariste-réalisatrice a expliqué que son inspiration tournait
autour de ses parents et de l'idée de transmission. En effet, l'histoire est nouée autour de plusieurs éléments ou événements comme la grossesse de Claire et la mort du fils de Mme Melikian, et ces deux éléments sont la base du scénario. Tout au long du film, Claire se résigne et accepte peu à peu la venue de l'enfant à qui elle a transmis la vie. Mme Mélikian, qui a perdu le sien, entre elle-même dans cette idée de transmission, en formant sa jeune employée à la broderie. Enfin, le fil, dans cette histoire de brodeuses, rappelle l'idée de transmission. C'est le fil conducteur plus que le fil à coudre. En outre, dans la faiblesse psychologique où Claire peut être plongée, il est évident que le destin lui donne un certain fil à retordre.

Ce n'est pas seulement une histoire de broderie, heureusement. Cet art textile n'est qu'un support de l'histoire. C'est cependant "quelque chose de beau". La beauté de la simplicité ? Sans doute. Eléonore Faucher, qui disait qu'elle
attendait de sa réalisation quelque chose de très beau, comme la beauté sort des mains de l'apprentie brodeuse, filme une situation d'aujourd'hui, un milieu d'agriculteurs et de petits commerçants, un village dont les habitants se connaissent encore, et qui vivent leurs problèmes comme dans la réalité. Cette belle simplicité donne un scénario qui a pourtant ses limites, justement à causes de cette simplicité : dans un film qui décrit des situations peu originales et que l'on connaît déjà, on s'attend souvent au répliques qui viennent.

Cette lourdeur du film est compensée par l'excellent jeu des deux actrices principales, dont les personnages sont psychologiquement très fragiles. Le rôle de Claire, jeune fille en situation peu évidente, est tenu par la jeune Lola Naymark, 17 ans, dont la fraîcheur maintient un certain ton tout au long du film, vis-à-vis de la douloureuse Mme Mélikian, alias Ariane Ascaride.

Le couple Ascaride/Naymark est
essentiel. Mme Mélikian et Claire ont toutes deux leur épreuve à soutenir : la détresse d'une mère face à la détresse d'une future mère. L'une a "perdu" un fils, l'autre est "tombée" enceinte. Deux problèmes d'aujourd'hui ? Les accidents de la route, la maternité précoce et extra-conjugale. Ce film pose très bien la question de la responsabilité et de l'épanouissement à travers l'attitude responsable. Mme Melikian tente de se suicider tandis que Claire ne sait trop quoi faire de son enfant. Mais les deux femmes surmontent la difficulté après la fuite, à travers le métier que l'une apprend à l'autre, et par l'employée qui émerveille son employeuse. Le suicide de Mme Melikian est assez bien dénoncé, à travers les réactions de Claire et l'importance que Mme Melikian prend ensuite dans la vie de Claire. Quant au projet de Claire d'accoucher sous X, soumis par la gynécologue, il propose une solution très souhaitable au vu de la solution détestable envisagée qu'est l'avortement. Claire pense suivre
cette idée du médecin mais change progressivement d'idée au contact de son environnement, par sa réussite dans la broderie et son attachement chaque jour plus étroit avec le petit être qu'elle porte. On comprend à la fin qu'elle va garder son enfant avec elle, et l'élever elle-même. Elle se rapproche à la fin de Guillaumme, mais celui-ci va partir à l'étranger. La scène amoureuse avec lui reste masquée par un mise en scène sombre et floue.

Raphaël du Chazaud