Chroniques de l'innocence

Film : Le Journal d'Anne Frank (1959)

Réalisateur : George Stevens

Acteurs : Millie Perkins (Anne Frank), Joseph Schildkraut (Otto Frank), Shelley Winters (Auguste Van Pels), Richard Beymer (Peter Van Pels), Gusti Huber (Edith Frank-Holländer), Lou Jacobi (Hermann Van Pels),...

Durée : 3h 0m


Si le film de Georges Stevens sortait aujourd’hui, la critique moderne, dans ce qu’elle a de plus matérialiste et insensible, qualifierait cette adaptation du journal d’Anne Frank d’efficace mais idéaliste. En effet, tant l'efficacité que l'idéalisme tiennent de la profonde sensibilité avec laquelle l’équipe au complet (réalisateurs et acteurs) à abordé le projet si délicat d’une telle adaptation.

 

Retransmettre les horreurs d’une guerre encore récente, à travers les yeux à l’innocence décroissante d’une jeune fille nécessite de s’affranchir de toute obscénité. Et rien de ce qui entache trop fréquemment les évocations récentes de la seconde guerre mondiale (récupération politique, bafouement des victimes, jugements anachroniques, etc.) ne vient gâcher cette œuvre qui se contente d’être littéraire et cinématographique.

 

Le journal originel étant écrit par la jeune Anne, la figure du père jouit d’une aura tout particulière qui s’enrichit de la nature si attentive et courageuse du personnage incarnant la droiture et le pilier sur lequel viennent s’arque-bouter toutes les faiblesses des personnages. La jeunesse d’Anne et son innocence laissent la guerre en second plan de la première partie, pour mieux s’intéresser aux relations avec sa mère, à ses jeux d’enfants avec Peter (plus grand et qui la charrie de bon cœur), ou encore à l’entrée difficile et précipitée dans l’âge adulte. Aussi cette partie seule donne un air un peu trop « facile » à l’épreuve qu’endure la petite communauté constituée dans les greniers d’Opekta.

 

La deuxième partie se fait plus mûre, plus sombre, et explore la compétition qui se fait même parmis les compagnons d’infortune. On y parle de vol, de méfiance, et même de la folie qui gagne les âmes enfermées pour trop longtemps. Le courage et la pureté de l’héroïne sont alors mis en valeurs quand la misère du groupe est traitée de manière moins angélique et qu’Anne passe de la probité à la lutte contre la tentation.

 

D’un point de vue cinématographique, il faut souligner la sobriété esthétique su métrage (évidemment de mise) mais aussi la force de deux scènes majeures : le cambriolage, insoutenable de suspens et de compassion, et bien sûr l’arrestation toute sobre et digne de nos héros qu’on laisse presque partir le cœur confiant, sûrs que leur yeux auront vu le ciel une dernière fois et que leurs âmes ont bien mérité la paix qui les attend.