Cinquante Nuances de Grey

Film : Cinquante Nuances de Grey (2015)

Réalisateur : Sam Taylor-Johnson

Acteurs : Jamie Dornan (Christian Grey), Dakota Johnson (Anastasia Steele), Jennifer Ehle (Carla), Eloise Mumford (Kate Kavanagh), Marcia Gay Harden (Grace Trevelyan Gray)

Durée : 02:15:00


50 nuances de Grey, qu'il s'agisse du livre ou du roman, pose un univers conçu pour accrocher toutes les aspérités sentimentales de la femme moderne.

Christian Grey, tête à claques pour tout homme qui se respecte, est le stéréotype de ce dont la ménagère a toujours rêvé et de ce qu'elle n'a jamais eu : un homme célèbre, très riche, capable de faire des cadeaux somptueux et des surprises à gogo, craint et respecté.

Sur un plan plus large, Grey n'aspire pas à une vie de famille ni à quoi que ce soit d'autre. Dans la réalité, une femme serait sans doute freinée (quoique), mais dans le monde fantasmagorique du cinéma, il est l'homme "zéro obligation," une sorte de Ken pour toutes celles qui se rêvent barbies.

De plus, on s'en doute, Grey est entouré de très belles femmes. Mais celle qu'il choisit, c'est vous... Enfin Anastasia quoi, l'élue, la princesse de son cœur, vous, qui êtes si femme...

 

Mais le levier le plus puissant, celui qui colle les catholiques avec les parpaillots, qui marie jupons et bouteilles d'alcool, qui remplit les yeux féminins d'étoiles : Grey a une face sombre, souffrante, qui le conduit à mal se comporter. Et ça, mes amis, c'est le viagra des femmes : transformer un mauvais garçon en amant tendre et attentionné. Le faire changer par amour. Le graal...

 

Evidemment peu chaudera aux femmes de vertu. Ces gourdasses, dont le cinéma ne parle que pour s'en moquer, qui échappent avec arrogance aux griffes de la société, ces dames, donc, qui parviennent à être heureuses avec de simples bons maris qui ont le mauvais goût d'être équilibrés, fidèles et pédagogues, ne sont pas le cœur de cible de 50 nuances de Grey. A défaut de pouvoir les immoler sur les autels du féminisme, jetons ces rebelles aux cachots du mépris et concentrons-nous sur celles dont le malheur mérite notre sympathie, celles qui manquent de ce dont elles rêvent : un homme riche, célèbre, et méritant l'insigne honneur de figurer dans Voici, Gala ou Paris-Match.

 

Notre homme donc, a une face sombre. Il a des pratiques sadiques. Il fut un temps où il était masochiste sous la dictée d'une amie de sa mère, mais ça, c'était avant. Pour le moment, il cherche une "heureuse" élue capable de se soumettre à tous ses désirs, moyennant le respect d'un contrat préalablement établi entre les parties (ne rigolez pas, c'est un vrai contrat en papier, avec des articles et tout et tout).

Voilà un nouvel aspect de la personnalité féminine exploité : une passion inavouée pour l'amour bestial (à votre avis, qu'est-ce qui pousse les Femen à aller se frotter aux tenues anti-émeute de nos virils gendarmes, gnarf, gnarf gnarf ?). On encadre donc tout cela juridiquement (il faut bien que quelque chose remplace l'amour) et on prévoit que la jeune donzelle sera la "soumise" d'un "dominant" (sic !). C'est Marx qui ne va pas être content, mais après tout à quoi sert d'être cohérent ? Dans notre merveilleuse société, on ne tape pas les enfants mais les femmes, on n'exploite pas les travailleurs (même s'ils sont d'accord) mais les soumis, et la femme peut se faire passer et repasser dessus pourvu qu'elle n'accepte pas trop souvent les enfants qui en découlent : après, ça fait mauvais genre (cf. paragraphe ci-dessus sur les gourdasses).

Alors pourquoi ce gentil monsieur éprouve-t-il le besoin de mettre ses partenaires dans des positions humiliantes ? Parce qu'il a 50 nuances de folie. Vous ne comprenez pas ? Bin moi non plus et ce n'est pas expliqué dans le film, mais ça a l'air sombre et 'achement beau. Vous n'avez donc qu'à lire le livre.

 

Est-il besoin de détailler plus ? On l'aura compris, ce film, assez mal fait au demeurant, est un fabuleux prétexte pour les mamans et les adolescentes d'aller s'émoustiller au cinéma en ayant l'impression de s'abreuver aux eaux de la culture. Pour le reste, c'est fade (plusieurs amies m'ont expliqué que le film était beaucoup plus "soft" que le livre) et sans intérêt.