Croc-Blanc

Film : Croc-Blanc (1991)

Réalisateur : Randal Kleiser

Acteurs : Klaus Maria Brandauer (Alex Larson), Ethan Hawke (Jack Conroy), Seymour Cassel (Skunker), Susan Hogan (Belinda Casey)

Durée : 01:47:00


Croc-Blanc (Titre original : White Fang) n’est pas l’unique adaptation du célèbre roman de Jack London paru en 1906 ; mais portée par la production Walt Disney, c’est sans doute la plus connue. Jack London était connu pour ses positions socialistes mais surtout pour son amour de la nature. Il tire de ses voyages la plupart de ses romans. Croc-Blanc fait écho à un autre succès paru en 1903, l’appel de la forêt (The call of the Wild) dans lequel le héros est déjà un animal, un chien vendu comme chien de traineau. Ces histoires se situent dans le grand nord canadien à l’époque de la ruée vers l’or, dans le Klondike où Jack London s’est rendu comme bien d’autres pour s’enrichir.

Le film de Walt Disney se veut familial. Il adapte donc librement le roman de London en gardant néanmoins les trois phases importantes du chien-loup qui correspondent à trois changements de propriétaire : l’indien Castor-Gris, le truand Beauty-Smith et Jack Conroy (Weedon Scott dans le livre). En revanche, le point de vue narratif n’est plus celui de Croc-Blanc mais celui du jeune aventurier Jack, une narration peut-être plus accessible pour un jeune public.

Croc-Blanc se classe donc dans les films d’aventure animalière qui est déjà un sous-genre bien exploité dans le film familial. On pense par exemple à Benji la malice en 1987, ou encore le roman Lassie, chien fidèle qui a connu plusieurs adaptations au cinéma dès 1943. C’est aujourd’hui un genre quasi-systématique, davantage intégré dans les films d’animation ou dessins animés. Mais même si le film vise les familles, il recèle une certaine dureté qui permet de le classer aussi dans le drame. On notera que le film a reçu en 1992, un Genesis Award dans la catégorie « Best Feature Film - Family » (Film Familial).

La réalisation a été confiée à Randal Kleiser, connu entre autres pour le Lagon bleu (1980), Grease avec John Travolta (1978) et des comédies familiales comme Chéri, j’ai agrandi le bébé (1992)... Quant au scénario, il a été écrit par Jeanne Roseberg (L’étalon noir, 1979), Nick Thiel qui a fait ses débuts dans la télé, et David Fallon, qui signait alors son premier scénario. Pour l’anecdote, Jeanne Rosenberg a également écrit le scénario de Natty Gann (1986) dans lequel on retrouve le chien-loup Jed qui “interprète” Croc-Blanc.

Le film se divise en deux grandes parties: une phase d’aventure nomade et une phase sédentaire. La première partie permet de mettre en place les personnages et de préparer l’adoption par jack de Croc-Blanc. En effet, un montage alterné nous montre d’un côté la vie du chien-loup jusqu’à ce qu’il soit capturé par les indiens et de l’autre la quête de Jack, retrouver la petite concession héritée de son père, prospecteur d’or. C’est aussi l’occasion des plus belles prises de vue du film qui a été tourné en Alaska. Les images de paysages en plans fixes ou panoramiques bénéficient d’une belle photographie naturelle qui aurait pu être celle d’un beau documentaire. L’immersion dans cette aventure s’en trouve renforcée. Le cinéaste parvient à montrer la beauté de la nature mais aussi son hostilité (attaque de loups, froid, lac gelé…) qui rend le voyage d’autant plus incroyable et passionnant. La ruée vers l’or, c’était certes l’appât du gain et la recherche d’une vie meilleure mais c’était surtout des milliers d’hommes et de femmes en situation précaire qui mourraient sans rien ou repartaient bredouilles. Cette première partie remplit donc parfaitement son rôle de film d’aventures en plaçant l’homme face à la nature, exposant jusqu’à sa vie pour une quête personnelle. Et c’est aussi l’aventure d’un jeune louveteau qui se retrouve sans mère (très belle séquence de la mort de la louve) et doit partir à la découverte de la montagne pour se nourrir. En ce sens, on peut également parler de film contemplatif non seulement pour la beauté du cadre mais aussi pour le courage des protagonistes.

Dans la deuxième partie, on quitte les paysages enneigés pour voir Jack et son ami restaurer la concession abandonnée de son père. Jack et Croc-Blanc ont déjà eu l’occasion de se rencontrer plusieurs fois dans quelques scènes qui traduisent la fascination de Jack pour l’animal. Au début de cette seconde partie, le spectateur est confronté à la cruauté qui contraste fortement avec les belles images de toute la première partie et l’air gentiment naïf de Jack. Le message est ici assez basique: le loup nait bon, c’est l’homme qui le pervertit ! La dureté de la vie indienne et la cruauté des combats de chien a fait de Croc-Blanc un animal féroce et dangereux. Il est maintenu en captivité contre sa nature qui voudrait qu’il parcoure librement les montagnes et il est entrainé à tuer. De ce point de vue, le film tranche avec les nombreux films qui mettent en scène de gentils toutous très courageux et serviables. Ici, l’auteur veut montrer comment la nature peut être tordue et meurtrie par la cupidité et la violence (les combats de chiens semblant être assez lucratifs). Les maîtres mots de cette seconde partie sont l’espoir, l’amitié et la réconciliation.

L’espoir, parce que jack va se donner corps et âmes pour sa concession, convaincu qu’il y a de l’or quelque part et qu’il pourra honorer la mémoire de son père. L’amitié entre Jack et Alex Larson se caractérise par l’échange et la prévenance. Alex se retrouve avec un jeune candide maladroit et il est bien tenté de le laisser vivre son aventure suicidaire. Il se prend pourtant d’affection pour lui et décide de l’aider. C’est alors, sans cupidité et avec complicité, qu’ils vont rénover la concession et s’associer. Jack apprend à lire à Alex dans quelques scènes touchantes, tandis que ce dernier lui avait appris à survivre. Enfin, la réconciliation est celle du monde sauvage avec le monde des hommes. La première partie nous montre la dureté de la nature, la seconde, la dureté des hommes. Mais en définitive, Jack sauve Croc-Blanc d’une mort certaine et recueille la bête chez lui pour tenter de l’apprivoiser. Alex ne cesse de lui dire qu’il ferait mieux de s’en débarrasser car il a du sang de loup et qu’il n’aura jamais de maître. Mais Croc-Blanc se laisse séduire. Il découvre qu’il existe une alternative à la violence qu’il a connu jusqu’ici. Ce message pourrait s’avérer naïf s’il n’était pas,finalement, le symbole de toutes les amitiés. Jack paie de sa personne, se fait mordre, fait preuve de patience et de douceur pour conquérir le coeur du loup…. qu’il y a en chacun de nous, n’en déplaise à Hobbes ou Plaute !