The Da Vinci Code

Film : The Da Vinci Code (2005)

Réalisateur : Ron Howard avec Tom Hanks

Acteurs : Tom Hanks (Robert Langdon), Jean Reno (Bezu Fache), Audrey Tautou (Sophie Neveu), Ian McKellen (Sir Leigh Teabing), Paul Bettany (Silas)

Durée : 02:32:00


Le livre Da Vinci Code a été vendu à des millions d’exemplaires
pour son intrigue, son rythme et sa polémique. Malgré la sévère réception du livre par une critique littéraire qui ne mâche pas ses mots, la tentation d’en faire un film fut trop forte. C’est ainsi que Ron Howard fut chargé du projet ambitieux et risqué. Risqué parce que l’adaptation d’un roman est toujours un risque mais surtout parce que le livre aborde une thèse qui est loin d’être officielle : Marie-Madeleine épouse de Jésus-Christ, Opus Dei sectaire… Quel devrait être le calcul d’un cinéaste face à un tel challenge ? Prendre des risques dans la réalisation et tenter de surprendre ? Peut-être au contraire valait-il mieux rester prudent et ne pas rajouter de difficultés. Quoiqu’il en soit Ron Howard n’est pas allé plus loin que la polémique soulevée autour du livre et l’eau du fleuve ne vaut pas mieux que l’eau de la source.

Pourtant le budget (125 millions de dollars) et les moyens mis à disposition étaient prometteurs et le réalisateur a péché mortellement par son
conventionnalisme. La créativité est en effet étouffée par sa volonté d’efficacité, un odieux pragmatisme qui retire à l’action son dynamisme, à l’image son esthétisme, à l’intrigue sa tension, enfin à l’univers diégétique sa crédibilité. Les quelques idées vaguement éternuées rappellent étrangement ses autres films : dans Un homme d’exception (Ron Howard, 2001), le héros repère les complots et les codes au travers de lettres mises en surbrillance. Les globes en images de synthèse lors d’une réflexion de Langdon participe du même système.

Le rythme du film est soutenu et sa fluidité fonctionne. Il résulte d’un montage alterné et d’une juxtaposition de plans et de séquences rapides. Tout semble simultané : le passé épouse le présent à l’aide de lourds flash-back ou de flash historiques en images décolorées, saturées de bleu et de lumière et ne laissant qu’une impression sceptique et une sensation de déjà vu.

Les mouvements de la caméra sont timides
et auraient pu être plus libres, plus suggestifs, plus mystérieux finalement. Un effort pointe cependant à la scène finale avec des plans aériens et un travelling circulaire et vertical progressant lentement au-dessus du carrousel du Louvre, une lumière verte intéressante. En fait, Le film aurait gagné une légère plus value si la réalisation s’était accordée avec le genre. Tout le mystère de l’histoire, le monde d’énigme, de danger et de complot est grossièrement dessiné par une caméra possessive qui veut tout voir et tout contrôler : la solution de facilité est effectivement de restreindre les relations champ/hors-champ. Les images crues de la scène de pénitence de Silas en témoignent. Le mystère et la tension est souvent plus soutenue dans ce qu’on ne voit pas, dans ce qu’on ne fait que suggérer plutôt que dans ce que la caméra impose : l’inconnue fascine…

La musique n’a pas de couleur particulière et on en dégage difficilement un thème, elle se veut étrange et son
utilisation n’allège pas l’ensemble de l’œuvre : trop présente à la manière d’une série policière.

Le scénario ne présente pas d’originalité par rapport au livre et se livre à une adaptation fidèle du roman si ce n’est pour quelques détails (appartenance de Fache à l’Opus Dei, la réaction de Langdon, aux premières explications de Teabing…). Certains éléments sont succinctement traités toujours dans la même optique de ne pas prendre trop de risques (le rituel en hommage au féminin sacré…). Les dialogues quant à eux sont vides de sens et dépourvus de force persuasive mais il est vrai que la tâche promettait d’être rude au vu des théories et des dialogues du livre. C’est probablement pour cette raison que le jeu d’acteurs se révèle aussi décevant malgré un casting bien senti : mêmes les meilleurs bloquent sur un texte pauvre. Cela dit, Tom Hanks et surtout Paul Bettany assure une prestation honorable. Jean Reno nous sert du « petit » Jean Reno tandis qu’Audrey Tautou, pour qui le
personnage semblait fait, sombre dans le ridicule oubliant qu’elle avait un réel talent, peut-être impressionnée par le star system ambiant.

Ainsi, Da Vinci Code est un film banal qui ne permet pas de se réconcilier ne serait-ce que d’un point de vue formel avec le livre. Peut-être fallait-il prendre des risques…

Les thèses du Da Vinci code, thèses du très discret Dan Brown, ont déjà fait couler beaucoup d’encre noire (cf. le dossier sur le Da Vinci Code sur ce site http://www.lecran.fr). Bien que certains affirment que ce n’est qu’une fiction -ce qui est discutable, (cf. Les cathos sont-ils paranos) l’intention des cinéastes n’en est pas moins de susciter une polémique, une réflexion si l’on en croit les propos de Ron Howard : « Ce n'est pas dans ma nature de chercher la provocation ou la bagarre. J'ai choisi cette histoire parce qu'elle contient beaucoup d'idées bizarres qui intriguent, qu'elle a un énorme potentiel public, et qu'elle
peut susciter des discussions, ce qui me paraît toujours une bonne chose. Quand une fiction permet aux gens d'échanger des idées, c'est très positif ». (Interview de Ron Howard, Le Figaro). Réfléchir sur quoi ? Sur la divinité du Christ ? Sur l’historicité des évangiles ? Sur l’histoire de l’Eglise ?... Comment réfléchir lorsque le débat est lancé sur de vagues arguments récupérés et soigneusement réchauffés que tout historien ou théologien démentirait ? Comment réfléchir lorsque les explications livrées dans le film comme dans le livre manquent totalement de portée crédible ? En réalité le film ne suscite aucun débat mais seulement une saine réaction de répulsion, de désintérêt et parfois de pitié.

Concernant l’Opus Dei, quoiqu’on pense de cette organisation, la qualifier de secte sans autre forme de procès ne peut être issue d’une démarche objective et sérieuse. Objectivité et sérieux sont autant d’éléments manquants sur les pages comme sur la pellicule du Code de Vinci. Même
lorsque Langdon s’oppose aux thèses de Teabing, il le fait avec une telle agressivité qu’encore une fois l’objectivité n’a pas de place. De plus, on peut s’interroger sur le choix de Ron Howard quant à cette réaction de Langdon qui n’apparaît pas dans le livre. Pourquoi rajouter cet élément qui à première vue n’apporte rien à l’histoire ? Il semble que la notion d’identification peut répondre à la question. En effet, le spectateur sceptique ou chrétien pourrait avoir face aux théories de Teabing une attitude quelque peu nerveuse.

Langdon, avant de se laisser convaincre par l’éloquence de son interlocuteur, représenterait donc à ce moment précis le bon sens commun, les contradicteurs ! les affreux contradicteurs catholiques, comploteurs sordides, dangereux conspirateurs contre la vérité vraie, détracteurs paranoïaques de l’ombre... Autre petite liberté : pourquoi Fache fait-il tout d’un coup partie de l’Opus Dei ? N’y a t-il pas là le désir d’accentuer l’idée d’une
organisation très puissante, manipulatrice, infiltrée dans tous les secteurs et qui poussent les gens au fanatisme et à l’aveuglement ? Fache, avant de reprendre ses esprits, œuvre avec acharnement et le spectateur est tenté d’éprouver de la sympathie pour cet homme dupé par des personnes en qui il avait confiance. Outre la violence qui peut choquer certains spectateurs, la scène où le fanatique moine albinos se flagelle résulte d’une étrange intention : tout est gros et excessif.

L’insistance, la pesanteur de la scène ne font que servir l’atmosphère manichéenne du récit où les méchants sont d’horribles personnages dépourvus d’humanité et les héros sont des anges purs, parfois naïfs ; même les Walt Disney sont plus nuancés. Tous ces éléments propres au film montrent à quel point la psychose autour de l’Eglise et de l’Histoire bouillonne dans l’esprit de l’auteur du Da Vinci Code, producteur exécutif du film. En outre, et rappelons le en quelques points, les arguments
historiques ou théologiques développés par Dan Brown sont d’une affligeante petitesse. Concernant la relation entre Marie-Madeleine et Jésus, mise à part l’insulte perpétrée à l’encontre du catholicisme, Dan Brown se base sur l’œuvre très célèbre de Léonard de Vinci, la Cène, et sur une phrase d’un Evangile maladroitement sortie de son contexte. Tous les historiens de l’art s’accordent pour dire que la représentation de Saint Jean sous des traits fins, voir féminins, symbolisait sa jeunesse et sa pureté ; le zoom avant progressif de la caméra de Howard sur le visage de Saint Jean conjugué à une mystérieuse musique et les yeux crédules d’Audrey Tautou n’y changera rien. Quant à la fameuse phrase d’Evangile comme quoi Jésus embrasserait Marie-Madeleine « sur la  bouche », elle se passe de tout commentaire tant l’analyse de la phrase est grotesque (Cf. article sur la divinité du Christ). Après s’être attaqué à la divinité du Christ et à son image, Dan Brown (producteur du film) s’en prend à son institution,
l’Eglise. Organisation puissante grâce à la finesse politique de Constantin (et surtout pas à cause de la religion elle-même ou des chrétiens), l’Eglise organise l’asservissement de la femme. Le féminisme improvisé de l’auteur se heurte à une réalité tangible et vérifiable dans tous les textes des docteurs ou des papes : le grand respect dans la religion chrétienne de la femme. Faut-il rappeler que la Vierge Marie, mère du Christ, occupe une place fondamentale et incontestable dans la vie d’un catholique ? Faut-il faire une liste, même non exhaustive, de toutes les saintes reconnues par l’Eglise ? Faut-il démontrer que la femme est mise à l’honneur dans l’Ecriture Sainte, dans la famille ou dans la société ? Déjà un nombre considérable de noms s’arrachent de nos mémoires et cette simple page ne suffirait pas à les contenir (Cf. Quelques notions sur la femme dans le christianisme) Dans un autre domaine, le Graal ne vient pas de San Real, sang royal (combinaison de San Graal et San Greal). Il ne s’agit que d’
un jeu de mot qui ne résiste pas à une étude linguistique et historique plus approfondie (Cf. Commentaires historiographiques sur le Da Vinci Code.

Enfin, le mystérieux prieuré de Sion est en réalité une association créée par Pierre Plantard en 1956 et non pas en 1099 le voudrait Dan Brown. La liste intégrant De Vinci, Debussy et autres personnalités à cet ordre est donc un faux. Voilà ce qu’une « simple fiction » est capable de véhiculer. Simple fiction ? Voyons ce qu’en pense M. Brown : « Si j’avais écrit le Da Vinci Code comme une fiction, je m’y serais pris différemment. J’ai réellement cherché, lorsque je préparais le livre, à démontrer cette théorie.» (Interview de Dan Brown sur la chaîne ABC). Le code de Vinci, loin d’être naïf et bon enfant, adresse un message mal construit et pourtant dangereux en mêlant le vrai avec le faux, en justifiant le faux avec du faux.

 

Jean LOSFELD
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