De Nixon à Trump : ils font et défont les présidents

Film : Pentagon Papers (2017)

Réalisateur : Steven Spielberg

Acteurs : Meryl Streep (Kay Graham), Tom Hanks (Ben Bradlee), Sarah Paulson (Antoinette "Tony" Pinchot Bradlee), Bob Odenkirk (Ben Bagdikian), Tracy Letts (Fritz Beebe), Bradley Whitford (Arthur...

Durée : 1h 48m


Richard Nixon, seul président américain a avoir démissionné dans l'histoire des Etats-Unis suite au scandale des écoutes du Watergate, peut continuer de se retourner dans sa tombe : Hollywood n'a pas fini de déterrer son passé ! Nixon, ennemi des milieux universitaires et médiatiques parce qu'il avait, comme l'actuel président président Donald Trump, le soutien d'une "majorité silencieuse", n'a pas fini de payer ses divergences avec la presse et l'administration, qu'on appelle parfois l'Etat profond, celui qui demeure, d'une présidence à l'autre. 

Ainsi le très talentueux Spielberg part à son tour sur les traces d'Alan Pakula et de son film culte, Les hommes du président (1976), non pas pour rééditer l'intrigue des écoutes du parti démocrate dans l'immeuble du Watergate, mais pour évoquer la guerre du Vietnâm, que l'administration américaine aurait volontairement fait durer pendant 30 ans, donc sous plusieurs présidences, afin de servir différents intérêts du pouvoir. Le scénario de Spielberg met la focale sur le Washington Post, au coeur de cette affaire lorsqu'il s'agit de publier un rapport top secret recélant tous les mensonges accumulés par l'administration auprès de l'opinion publique américaine pour justifier la nécessité de prolonger le conflit. Faut-il publier ou pas cette bombe informationnelle qui risque de déstabiliser le pays ? La directrice du journal (Meryl Streep) et son rédacteur en chef (Tom Hanks), sont pris en étau entre différents enjeux : la stabilité financière du journal, le risque de poursuites judiciaires ou encore le devoir d'informer. Les deux acteurs pèsent de tout leur poids dans ce thriller journalistique dynamique, peuplé et parfois doté de quelques scènes "tiroirs" pas toujours utiles mais bien décorées. En réalité, l'intrigue est rondement menée, comme le fut celle de Pakula 40 ans plus tôt, avec des salles de presse toujours aussi grouillantes, des journalistes si désireux de rechercher la vérité de façon si désintéressée, des informateurs si obscurs n'oeuvrant que pour l'intérêt général au risque de leur sécurité...

Tout est si joliment ficelé que le nouveau complot de Nixon pour étouffer les révélations de la presse n'en ressort que plus affreux et délibéré. Quelque part dans la Maison Blanche se trouve nanti un homme qui oeuvre de toute évidence contre le destin de la nation américaine et dont le seul appétit réside dans la consommation illimitée du pouvoir. Evidemment, la profession journalistique retrouve une virginité absolue grâce à cette mise en scène flatteuse et remarquablement dramatisée. Sauf qu'elle cache bien entendu une autre vérité, celle du règlement de compte avec le président Nixon. Ainsi, comme dans l'affaire Trump/Poutine, les fuites proviennent de l'administration américaine et sont méthodiquement relayées à petite dose dans la presse. Alors oui, les journalistes du Washington Post tombent sur un trésor d'informations en se procurant ce rapport, mais ils ne sont pas seulement motivés par le désir de sauver les libertés : ils veulent leur part du gâteau pour exister face à d'autres journaux tels que le New York Times, et avant même d'obtenir les preuves de leurs soupçons, ils savent déjà qu'ils veulent faire tomber Nixon. Parce qu'il ne correspondait pas à leur choix électoral. Cela le scénario ne le montre pas suffisamment : il dévisse dans une forme laudative peu originale à l'égard d'une presse assez largement innocentée de ses propres coups tordus...

Commentaires

Portrait de Thibault Doidy de Kerguelen
La responsabilité des démocrates

A l'excellente analyse de la situation historique faite plus haut par JB du Potet, j'ajouterais que le tour de force de Spielberg est de réussir à faire oublier au spectateur que Nixon fut celui qui mit fin à la guerre du Viet nam pour les Américains (hélas pas pour les pauvres vietnamiens qui subiront le joug communiste et les affres des camps de vacances pour déviants sociaux) et que l'immense majorité du rapport Mc Nmara qui fit tant scandale (et dont le contenu fut publié en français chez Robert Laffont si ma mémoire est bonne) met en cause l'administration démocrate sous Kennedy d'abord, (m^me si nous savons qu'il ne voulait étendre le conflit) puis sous Johnson dont la première décision en tant que Président fut justement d'étendre le conflit en envoyant des troupes combattantes.
Autre dimension qui n'apparaît pas dans le film et qui me semble la plus scandaleuse de la part du réalisateur: Le "pourquoi" de la tentative d'obstruction de Nixon!
Le film, pour les raisons évidentes d'engagement politique déjà évoquées par M. du Potet, nous présente Nixon comme un affreux salaud qui fait obstruction à la liberté de la presse. C'est archi faux. Dès son élection, Nixon rapatrie des troupes et engage des négociations qui aboutiront aux accord de Paris. La diffusion du rapport Mc Namara en pleines négociations avec les remous et la pression populaire que cela engendrait mettait en difficulté les négociateurs américains! C'est là la raison de la tentative d'obstruction de Nixon. Pour qui connait l'histoire, cela transparait à peine lors d'une intervention d'un témoin devant la Cour Suprême lorsqu'on lui demande si la diffusion entrave l'action du Président, mais à aucun moment du film cet élément capital pour la compréhension de l'action n'est exposé.
Il s'agit donc d'un film techniquement parfait, très distrayant mais qui, comme trop souvent, triture un fait historique dans un but de propagande politique évident.

Thibault Doidy de Kerguelen

Portrait de jlda
Et la liberté du sud-Vietnam ! Et la défense du monde libre !

Je suis bien d'accord avec JEAN-BAPTISTE DU POTET et Thibault Doidy de Kerguelen :
Rappelons que le communisme est l'horizon indépassable de l'esclavagisme moderne !
Avons-nous oublié le mur de Berlin et ces milliers d'Allemands tentant de le franchir au péril de leur vie pour rejoindre le monde libre ?
Avons nous oublié le combat du syndicat Solidarnosc pour la libération de la Pologne ?
Avons-nous oublié le printemps de Prague ou la sanglante répression de Budapest ?
Avons-nous oublié le génocide cambodgien (plus de 30% de la population du Cambodge massacrée par les Khmers rouges) ?
Avons -Nous oublié la révolution culturelle chinoise et ses 30 millions de morts ?
Aujourd'hui le communisme s'est effondré partout en Europe et en Russie, mais s'il subsiste au VietNam c'est à la trahison du New-York Times et du Washington Post qu'on le doit !
La guerre du Viet-Nam fut une guerre d'agression et de conquète du sud Viet-Nam par le Nord Viet-Nam.
Le soi-disant Vietcong n'était que l'armée nord-Vietnamienne  à peine maquillée par la présence soigneusement mise en valeur d'une minorité de communistes sud-vietnamiens.
Et cette agression était abondament soutenue tant par la Chine communiste que par l'URSS et avec une ampleur que n'a jamais atteint l'aide américaine au sud-Vietnam.
Alors liberté de la presse ? oui, mais ce ne doit pas être une liberté sans limite et la limite est justement la défense nationale.
Oui à la liberté de la presse, mais la liberté des Vietnamiens (et aussi du peuple cambodgien évoqué plus haut) et la défense du monde libre a bien plus d'importance !
Ces journalistes savaient qu'ils trahissaient, puisqu'ils reconnaissent que s'ils doivent passer des heures à trier les papiers c'est parce que les numéros de pages ont été coupés avec la mention "secret défense"
Mais à aucun moment la conscience de leur trahison ne leur inspire le moindre scrupule, seule la crainte de la répression les fait hésiter.
Quant à la cour suprème qui a donné raison à tous ces traitres, rapellons que c'est la même 
cour suprème qui vers la même époque a légitimé l'avortement (arret Roe vs Wade)
Jean-Louis d'André