Docteur Frankenstein

Film : Docteur Frankenstein (2015)

Réalisateur : Paul McGuigan

Acteurs : James McAvoy (Victor Frankenstein), Daniel Radcliffe (Igor), Jessica Brown Findlay (Lorelei), Bronson Webb (Rafferty)

Durée : 01:50:00


On pourrait gloser pendant des pages sur le mythe de Frankenstein. A l'origine écrit par Mary Shelley, maîtresse puis épouse du poète éponyme, le roman, par sa complexité narrative et sa richesse de références, ne cesse de faire couler de l'encre et, plus récemment, de dérouler de la pellicule.

Intitulé Frankenstein ou le Prométhée moderne (rien que le titre est tout un programme), l'ouvrage est, disons-le tout net, très brillant. Si certains commentateurs prétendent que Mary Shelley a voulu donner au docteur Frankenstein cette capacité de donner la vie en mémoire de son enfant mort, qu'elle massa frénétiquement pour le ramener à la vie, la dimension chrétienne de cette aventure est en tout cas incontestable. Le savant-fou infuse l'âme à la manière du Créateur, et le monstre auquel il donne naissance finit par se retourner, tel Satan hurlant son « non serviam » contre son auteur.

Ajoutez à cela les influences bibliques, gothiques, romantiques, miltonniennes, et vous avez de quoi scénariser des milliers de films pour mettre l'accent sur l'un ou l'autre de ces aspects.

Il n'est pas question de recenser tous les films qui exploitèrent le filon. Notons simplement que le premier Frankenstein tourné par James Whale en 1931 a marqué plusieurs générations, ainsi que son petit frère La fiancée de Frankenstein. On se rappellera également l'adaptation nettement plus comique qu'en fit Mel Brooks dans Frankenstein Junior, tourné dans le même château et avec les mêmes ustensiles que le premier pour, cette fois, provoquer le rire. Les enfants de Shelley se suivent et ne se ressemblent pas...

C'est au milieu de ce foisonnement qu'éclot aujourd'hui Docteur Frankstein, porté à l'écran par Paul McGuigan et incarné par un James McAvoy, secondé par Daniel Radcliffe dans le rôle d'Igor. Cette dernière précision a son importance, puisque le scénario s'est, pour la première fois, concentré sur les rapports entre les deux hommes. Or, si Igor était dans le Frankenstein de James Whale, il n'était même pas dans le roman originel. Vous découvrirez ici comment Victor rencontre Igor, et comment il le libère de sa prison et de sa bosse (hé ouais ! Trop fort Victor !).

S'installent entre les deux personnages des débats aussi passionnants que traités superficiellement dans le film, sur la question de savoir jusqu'où peut aller le scientifique apprenti-sorcier. Frankenstein rêve d'un monde ayant banni la mort, Igor est horrifié devant les expériences visqueuses de son maître. Autour d'eux, des gens apeurés par l'arrogante prétention de rendre la vie : l'inspecteur Turpin d'abord, qui enquête sur les vols d'organes, la douce d'Igor ensuite ; à l'exception d'un jeune et riche médecin décidé à financer les expériences pour s'en approprier la gloire.

Entre l'inspecteur Turpin et Frankenstein, la question prend une tournure plus religieuse. Le premier considère que la vie n'appartient qu'à Dieu (ho le ringuard hé ! Mpfffffff!) tandis que le second considère que ce qui peut être fait doit être fait. On notera un grand nombre de clins d'oeil bienvenus, comme cette allusion cocasse à Frankenstein Junior lorsque la jeune fille prononce « Frankenstine » et que le docteur rectifie la prononciation.

En définitive le monstre, quant à lui, devient accessoire, ce qui est un comble. Avec sa tronche d'orc tout droit sortie du Seigneur des Anneaux, il a droit aux quelques dernières minutes du film et pis voilà et pis c'est tout.

Baptisé « Prométhée » par les deux hommes, vous savez pourquoi, l'importance de son rôle est inversement proportionnelle à sa taille. C’est que l'acteur qui l'incarne (Guillaume Delaunay) fait tout de même 2,07 mètres !

Techniquement, le film est vraiment à la hauteur. Reconstitué dans une ancienne station de pompage de l'époque victorienne puis, pour le phare, dans un décor de 18 mètres de haut, le laboratoire de Frankenstein est délicieusement glauque. Les effets spéciaux sont efficaces, le jeu d'acteur sincère, la mise en scène très propre et les organes très luisants (on en mangerait !). Reste à savoir si l'univers mythique des frankensteins vous fascine. Si ce n'est pas le cas, circulez, y'a rien à voir !