Equilibrium

Film : Equilibrium (2002)

Réalisateur : Kurt Wimmer

Acteurs : Christian Bale (John Preston), Emily Watson (Mary), Taye Diggs (Clerick Brand), Angus Macfadyen (DuPont)

Durée : 01:47:00


Dans une société où l’homme, en vue d’un bien commun inventé par des idéalistes, a sacrifié sa liberté, certains tiennent bon malgré l’armada de ce totalitarisme. Equilibrium est le schéma typique de la contre-utopie, où la conscience est rattrapée par la nature humaine, qui appelle à être libre, et non esclave d’un mode de vie programmé, exactement comme dans Le Meilleur des mondes ou 1984. Le film s’inspire très nettement de ces deux piliers du genre : le Père maîtrise la population docile en la droguant avec un produit tuant toute émotion. Cet assassinat des passions réduit l’homme à un être mathématique, réglé comme une horloge, parfaitement sinistre, et trop manipulé pour se rendre compte de son malheur. Trop manipulé, ou presque : notre héros, campé par un Christian Bale inspiré dans cette évolution entre l’homme d’élite et l’homme vrai, commence à douter du bien-fondé de cette civilisation nouvelle dans laquelle il est pourtant impeccablement fondu. « S’ils se taisent, les pierres crieront » : la nature de l’homme, qui le veut libre de choisir entre les moyens de parvenir à sa fin ultime, parvient à percer.

Si les passions sont mises en exergue pour montrer ce qui manque cruellement à ces hommes bridés, il n’en reste pas moins que c’est la raison qui fait naître un doute chez notre personnage, toujours attaché à ses gélules pour être un bon mouton. Au centre de la réflexion, la liberté, propre à l’homme, sans laquelle il n’est qu’un instrument, fruit d’une rêverie utopique, d’ordre froid, mécanique, détaché du réel, bref, la recette parfaite de la pensée d’où naît le totalitarisme.

C’est donc la nature humaine elle-même qui résiste au système du lavage de cerveau généralisé.

On peut se poser la question du parallèle que l’on peut faire avec la religion : le Père, en effet, oblige la population à prendre régulièrement ses gélules … Le Père, le Christ, les hosties ? L’opium du peuple en somme ? La ressemblance est assez flagrante, tout du moins, dans une vision marxiste de la religion. Car en réfléchissant bien, le film n’est-il pas une charge contre les divagations émanant des idéalistes, comme Marx ? De plus, Equilibrium ne vient jamais parler de religion. Un film voulant la condamner ne se serait pas gêné … Non, clairement, en montrant que l’homme ne peut pas rentrer dans un moule standardisé, et que les passions, la liberté et l’individualité de chacun percent forcément les artifices les plus autoritaires qui soient, Equilibrium s’insurge contre l’idéalisme, et par conséquent, contre l’égalitarisme et l’universalisme. Dans une ambiance glauque à souhait, une réalisation épurée et très soignée, qui en font un véritable film d’auteur, les consciences s’éveillent pour s’insurger contre les fantasmes de ces pensées dangereuses. Le banal de l’histoire, rappelant que l’homme n’est pas un outil, servira tout de même d’alarme, à l’heure où des ventres de mères sont comparés à des bras d’ouvriers …