Exodus: Gods And Kings

Film : Exodus: Gods And Kings (2014)

Réalisateur : Ridley Scott

Acteurs : Christian Bale (Moïse), Joel Edgerton (Ramsès), John Turturro (Séthi, le père de Ramsès), Aaron Paul (Josué)

Durée : 02:31:00


Voilà donc Exodus : Gods And Kings, nouveau fils du très célèbre et très britannique Ridley Scott, dernière adaptation du livre de l'Exode biblique racontant la vie de Moïse, un gars sympa qui n'avait pas toujours le mot pour rire. Après l'énorme succès du film de Cecil B. DeMille en 1956 (Les dix commandements, dans lequel jouait Charlton Heston) et Le Prince d'Égypte des studios Dreamworks (qui avaient mis le paquet pour leur premier film d'animation), comment le papa de Gladiator pouvait-il traiter le sujet sans ennuyer ou rabâcher, that is quand même pas mal the question !

Si l'on s'en tient à la « forme » du film, il faut reconnaître que le travail est bien fait dans la plus pure tradition du péplum.

Pour commencer, la musique est envolée, majestueuse mais, disons-le, outrageusement classique (je suis en train de l'écouter au moment où j'écris ces lignes, c'est dire si je fais mon travail sérieusement !). Aucune originalité, donc, mais une bande originale qui fait son office tout de même, accompagnant correctement les scènes grandioses du film.

Car pour nous faire rêver à Noël, le bon Ridley a décidé de mettre les petits effets dans les grands ! Les décors sont gigantesques, le numérique tourne à plein régime (les effets spéciaux sont très réussis) et, qu'il s'agisse du ciel, de la terre ou de la mer, les éléments sont déchaînés ! Pendant 2h31, vous en prendrez plein la poire (sauf si vous n'avez pas de poire, bien entendu !).

Les acteurs offrent une performance très honorable. Même les figurants ont l'air de se sentir très concernés, alors que le film est clairement architecturé sur le tandem Christian Bale (Moïse) - Joel Edgerton (Ramsès).

Franchement j'étais perplexe. Pour transformer Batman en Moïse, il fallait y croire. Hé bien j'avais tort : cela fonctionne en fait assez bien ! Quant à Joël Edgerton, il avait déjà brillé dans Warrior (je ne préfère pas parler de Gatsby, assez insignifiant), nul doute qu'il saurait incarner un Ramsès plus vrai que nature. Quand à Sigourney Weaver, elle moins présente dans le film que les plantes vertes.

Quand on n'est pas historien ou archéologue, il est toujours difficile de porter un regard sur la reconstitution historique. On peut toujours supposer que les conseillers techniques connaissent leur affaire, mais on sait bien que les puristes trouvent toujours à redire. Disons que pour les braves gens comme moi, n'ayant de l'Egypte ancienne qu'une connaissance moyenne, aucune erreur grave de script ne saute aux yeux. D'autant que, pour les spécialistes, cette période extrêmement confuse a donné lieu à de très nombreuses théories puisqu'on n’a retrouvé aucune trace archéologique de cette période ! Jusqu'à aujourd'hui, par exemple, personne n'a réussi à déterminer qui était le pharaon de l'Exode. En revanche, ce que je peux dire avec certitude c'est que, même à l'époque, les crocodiles n'avaient pas la taille d'un bus.

Sur le fond Ridley Scott a choisi de ne retenir que l'axe « horizontal » de l'histoire, l'immanence, comme l'appellent les théologiens. Si on peut en effet considérer Dieu dans sa toute-puissance (la transcendance), on peut aussi trouver sa présence et son action dans les détails les plus prosaïques du quotidien (l'immanence). Ainsi Ridley Scott a choisi de se distinguer des films précédents en ne rendant pas l'action de Dieu évidente, et ceci à deux titres : d'une part Moïse semble pendant tout le film ne rien comprendre à ce qui lui arrive, ce qui est un tantinet ridicule, et d'autre part, en plaçant la voix de Dieu dans la bouche d'un petit garçon énigmatique voire onirique, le cinéaste gomme cette certitude d'un Dieu péremptoire que l'on trouve dans l'Exode. A lire la Bible, la volonté de Dieu est extrêmement claire. A voir le film, le spectateur ne sait jamais trop sur quel pied danser.

« Même si c'est une icône, explique le réalisateur en parlant de Moïse, il doit aussi être perçu et joué comme un être humain. Il est à la fois le héros et le centre émotionnel du film. »

S'il est vrai que, d'un point de vue de la focalisation interne, c'est-à-dire en se mettant à la place de Moïse, la vie n'a pas dû être aussi simple que celle racontée dans l'Exode, on peut regretter que le film n'ait pas su préserver l'équilibre. Après tout, ce qui caractérise la vie des grands hommes n'est pas le doute, aussi bien ressenti par les blaireaux les plus paumés, mais la pureté dans le choix.

De plus, on ne sait pas pourquoi, Ridley Scott se plaît à montrer un Moïse qui, au début du film, ne croit en rien. Un tel choix est très bizarre. Rien ne permet de dire que Momo était un athée arrogant et cynique, et la remarque est encore plus vraie pour le futur pharaon, Ramsès. N'en déplaise au réalisateur, croire en rien n'est pas une marque d'indépendance d'esprit, bien au contraire. Et montrer Moïse ainsi ne rend pas son obéissance future plus belle. Là encore c'est le contraire. En ne montrant pas Dieu, le film donne l'impression d'un homme devenu schizoïde.

Inutile de parler des discordances entre le film et la Bible. Un tableau des discordances sera beaucoup plus éloquent. Mais ce qu'il faut retenir en tout cas, c'est que le film ne fait pas de la fidélité au texte une priorité. Certains passages sont contre le texte, d'autres ne sont pas dans le texte, d'autres passages du texte ne sont pas dans le film. On pourrait dire, en somme, que le film est inspiré du Livre, voilà tout.

A l'arrivée, on a donc un film d'aventures très sympathique, bien fait, qui fait passer un bon moment mais ne renseignera pas le spectateur de façon satisfaisante sur l'histoire biblique.

Ceux qui rêvaient d'un Dix commandements avec effets spéciaux époustouflants en seront pour leurs frais.

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En bonus pour ce film :

- Le dossier de presse

- Le tableau des principales discordances entre la Bible et le film