Florence Foster Jenkins – Stephen Frears [UK] – 2016
Jean-Baptiste du Potet pour L’Ecran.fr, 12 juillet 2016
Deux films en même temps sur le même sujet, ça arrive. Moins d’un an après la sortie française de Marguerite (Xavier Giannoli, septembre 2015), un deuxième film, britannique cette fois, paraît demain sur la vie de Florence Foster Jenkins. Souvenez-vous, cette new-yorkaise richissime des années 40 persuadée de son immense talent de cantatrice. En réalité la pire chanteuse de l’histoire produite au Carnegie Hall de Manhattan !
Cette seconde adaptation signée Stephen Frears (Philomena, Les liaisons dangereuses) imite beaucoup la version française, tant dans le déroulé de l’intrigue que dans le style. Cependant l’histoire semble plus fidèle à la biographie puisque Giannoli avait pris la liberté de situer sa Marguerite dans les années 20 et pas à New York. Le film est incontestablement réussi grâce à la grande prestation livrée par les deux très grands professionnels de la comédie romantique que sont Meryl Streep et Hugh Grant, à la lisière du mélodrame. Les gloussements tragi-comiques de la diva sous les regards circonspects de son mari ne nous épargnent pas quelques fou-rires. Le pianiste efféminé recruté pour la cause ne rate pas une occasion de rendre chaque morceau hilarant.
Le courage de la fausse note
Le style de Stephen Frears paraît totalement épuré du burlesque parfois vulgaire de Giannoli. La simplicité narrative de certaines scènes théâtrales et la subtile hésitation entre naïveté romanesque et réalisme tragique rappelle indéniablement le cinéma de Max Ophüls, notamment Lola Montes (1955). L’ensemble dégage une fraîcheur particulière, parce que le réalisateur prend le temps d’aller chercher des sentiments peu apparents. Certes Florence Jenkins s’illusionne sur son talent, mais peut-être en est-elle à demi consciente. Certes son mari la trompe allègrement, mais il refuse que l’on se moque d’elle. Certes le pianiste exaspéré craint pour sa carrière, mais quelque chose le retient de partir. Quoi donc, au juste ? Oui, à quoi bon attiser ce numéro déconcertant qui abîme la cantatrice dans son illusion ? Là réside toute la force du film : [spoil] parce que dans le cœur de son mari, la délicatesse de lui laisser croire au bonheur de réussir l’emporte sur l’instinct de les prémunir, elle et lui, contre les critiques. Belle preuve de courage inattendue, au milieu de la cacophonie ! [/spoil]
Au final Florence Foster Jenkins gravera sur vos tympans une ou deux mélodies déjantées agrémentées de quelques cris aigus. Cette version cinématographique du « chant pour les nuls » stimulera vos élans refoulés de créativité. A condition évidemment de bien tenir compte de deux règles d’or : avoir un entourage bon public, et travailler sa passion « au moins une heure par jour » !
Florence Foster Jenkins – Stephen Frears [UK] – 2016
Jean-Baptiste du Potet pour L’Ecran.fr, 12 juillet 2016
Deux films en même temps sur le même sujet, ça arrive. Moins d’un an après la sortie française de Marguerite (Xavier Giannoli, septembre 2015), un deuxième film, britannique cette fois, paraît demain sur la vie de Florence Foster Jenkins. Souvenez-vous, cette new-yorkaise richissime des années 40 persuadée de son immense talent de cantatrice. En réalité la pire chanteuse de l’histoire produite au Carnegie Hall de Manhattan !
Cette seconde adaptation signée Stephen Frears (Philomena, Les liaisons dangereuses) imite beaucoup la version française, tant dans le déroulé de l’intrigue que dans le style. Cependant l’histoire semble plus fidèle à la biographie puisque Giannoli avait pris la liberté de situer sa Marguerite dans les années 20 et pas à New York. Le film est incontestablement réussi grâce à la grande prestation livrée par les deux très grands professionnels de la comédie romantique que sont Meryl Streep et Hugh Grant, à la lisière du mélodrame. Les gloussements tragi-comiques de la diva sous les regards circonspects de son mari ne nous épargnent pas quelques fou-rires. Le pianiste efféminé recruté pour la cause ne rate pas une occasion de rendre chaque morceau hilarant.
Le courage de la fausse note
Le style de Stephen Frears paraît totalement épuré du burlesque parfois vulgaire de Giannoli. La simplicité narrative de certaines scènes théâtrales et la subtile hésitation entre naïveté romanesque et réalisme tragique rappelle indéniablement le cinéma de Max Ophüls, notamment Lola Montes (1955). L’ensemble dégage une fraîcheur particulière, parce que le réalisateur prend le temps d’aller chercher des sentiments peu apparents. Certes Florence Jenkins s’illusionne sur son talent, mais peut-être en est-elle à demi consciente. Certes son mari la trompe allègrement, mais il refuse que l’on se moque d’elle. Certes le pianiste exaspéré craint pour sa carrière, mais quelque chose le retient de partir. Quoi donc, au juste ? Oui, à quoi bon attiser ce numéro déconcertant qui abîme la cantatrice dans son illusion ? Là réside toute la force du film : [spoil] parce que dans le cœur de son mari, la délicatesse de lui laisser croire au bonheur de réussir l’emporte sur l’instinct de les prémunir, elle et lui, contre les critiques. Belle preuve de courage inattendue, au milieu de la cacophonie ! [/spoil]
Au final Florence Foster Jenkins gravera sur vos tympans une ou deux mélodies déjantées agrémentées de quelques cris aigus. Cette version cinématographique du « chant pour les nuls » stimulera vos élans refoulés de créativité. A condition évidemment de bien tenir compte de deux règles d’or : avoir un entourage bon public, et travailler sa passion « au moins une heure par jour » !