Folles de Joie

Film : Folles de Joie (2016)

Réalisateur : Paolo Virzì

Acteurs : Valeria Bruni Tedeschi (Beatrice Morandini Valdirana), Micaela Ramazzotti (Donatella Morelli), Bob Messini (Pierluigi Aitiani), Sergio Albelli (Torrigiani)

Durée : 01:56:00


Vent chaud cette semaine avec un nouveau film italien de Paolo Virzi qui nous emmène dans le sillage d’un tandem assez délirant constitué de deux femmes, échappées d’une clinique spécialisée dans le traitement des troubles mentaux. Cette aventure au déroulement aléatoire n’est pas sans rappeler deux célèbres comédies tout à fait similaires de Francis Veber, Les Fugitifs (1986, avec Depardieu et Pierre Richard) et Tais-toi ! (2002, avec Depardieu et Réno) dans lesquelles Depardieu s’échappait de prison et d’un hôpital psychiatrique, avec un complice improvisé.

Cette fois on retrouve un duo de femmes que tout oppose. Le schéma conventionnel de la comédie à succès reposant sur des caractères contrastés est presque trop respecté : Béatrice, mythomane, complètement extravertie, prête à toutes les excentricités, va au-devant de tous les défis. Donatella, suiveuse introvertie, souffrante, mélancolique, se laisse embarquer dans des péripéties qu’elle ne maîtrise à aucun moment. Cependant les deux personnages sont travaillés avec finesse : la faiblesse apparente de Donatella masque des ressources inexploitées et la joie de découvrir une amitié en celle qui réussit à extérioriser ses souffrances ; tandis que la puissance d’exagération dégagée par Béatrice cache sa vraie nature et son besoin de compter sur une personne plus simple et plus vraie. Les actrices ont bien été mises à contribution : « J’ai éprouvé physiquement comment la folie protège de la douleur et de la solitude », a affirmé Valeria Bruni Tedeschi.

Une célébration de l’ivresse a deux vitesses

La folie furieuse de cette comédienne italienne jouant Béatrice amuse et enflamme de nombreuses situations. Si Les Fugitifs est resté culte en France pour ses dialogues, Folles de joie pêche sur ce point par trop de bavardages redondants. Le film mise davantage sur l’émotivité incontrôlée de ses deux protagonistes qui les conduit, l’une à la suite de l’autre, vers des transgressions morales (célébration de fausse messe, vols à répétition, jeux d’argent, abus de confiance, usage de charme à des fins économiques) et des troubles à l’ordre public (déstabilisation de maison de repos, invectives outrancières, défaut de paiement, déclenchement d’émeutes, accidents).

Sous ses airs légers de comédie transgressive légère, le scénario est parfois coloré de connotations politiques subtiles, notamment à travers le rôle de Béatrice, qui se dit proche de Silvio Berlusconi. Si en effet les excès de Béatrice semblent valider la réputation sulfureuse du Cavaliere, on trouve en même temps dans son comportement une forme de critique de la société italienne post-Berlusconi. De cette façon, Béatrice fait figure de foudre : sa mythomanie a le mérite de briser la monotonie d’une société appesantie par les lourdeurs administratives nationales et européennes. Une société qui, à l’en croire, aurait tendance à oublier que la voix forte du sang italien, ses charmes et sa splendeur l’emportent naturellement sur toute forme de système politique incolore, sans joie et sans saveur.

Voilà qui a de quoi nous remémorer la célèbre réplique de Socrate à Phèdre : « Le délire est un don suprême des dieux, et c’est leur faire offense de ne pas le considérer comme tel ! » (Platon).