Francofonia, le Louvre sous l’Occupation

Film : Francofonia, le Louvre sous l’Occupation (2014)

Réalisateur : Alexandr Sokurov

Acteurs : Louis-Do de Lencquesaing (Jacques Jaujard), Benjamin Utzerath (Le Comte Wolff-Metternich), Vincent Nemeth (Napoléon Bonaparte), Johanna Korthals Altes (Marianne)

Durée : 01:28:00


Réalisé par un cinéaste ouvertement « anti-Poutine » et donc autorisé en France, Francofonia raconte l’histoire du Louvre sous l’occupation de Paris par les Allemands. Ce documentaire restitue fidèlement l’atmosphère de la capitale devenue « ville ouverte », c’est-à-dire désertée par le gouvernement pour éviter la destruction des monuments historiques. On retrouve le Paris épargné par les bombes du bon film Diplomatie de l’Allemand Volker Schlöndorff (2014). Francofonia mêle assez bien images d’archives et scènes de reconstitution mettant en scène le directeur du Musée de l’époque.

Cependant, le style employé, sensiblement déstructuré, a de quoi déstabiliser le spectateur lambda. La patte du réalisateur russe Sokourov recourt en effet à un choix de montage saccadé digne du dernier film complètement décalé de Jean-Luc Godard, Adieu au langage (2014). Si vous aimez l’alternance de segments de phrases sur fond noir avec des scènes discontinues arrivant dans le désordre, vous y trouverez votre bonheur. J’allais oublier la voix-off narrant le tout de Z à A ou presque et les couleurs jamais assorties (étalonnées disent les pros) d’un plan à l’autre.

Sur la forme, voilà un objet imageant moderne qui a de quoi ravir le directeur actuel du Musée, s’il est cousin du directeur du Musée de Versailles, fan du « Vagin de la Reine », la splendide œuvre métallique ombrageant les jardins, plusieurs fois saccagée par un public insensible à la pulsion schismatique de l’art de fumer la coke.

Sur le fond, on remarque l’étrange soutien du Musée du Louvre à un documentaire banalisant l’amabilité allemande d’officiers tout sourire et le soin des bourreaux d’infamie à conserver les œuvres d'art. Cela à l’heure où Mein Kampf menace de refaire fureur dans les librairies. Attention, le point de vue russe a de quoi choquer la sensibilité du public habitué à voir les Allemands représentés comme des vampires assoiffés de sang. Oui leur politesse ainsi montrée peut choquer, il faut le dire. Moralité oblige. La sainte colère n’épargne pas totalement le réalisateur, qui dans un sursaut de bonne conduite, rappelle tout de même que les nazis avaient envoyé à la fosse des millions de Russes, et avaient saccagé leur plus prestigieux musée... pendant que la Seine s’écoulait tranquillement sous les ponts de la capitale du romantisme. Le seul ennemi que les Français avaient en tête, pense Sokourov, c’était le bolchévisme.

En somme un regard intéressant sur l’histoire de France. Complètement surréaliste, mais intéressant. Assumant la fin d’un tout qui aurait pu ne pas être si Sokourov n’avait pas commencé d’arrêter d’imaginer le début. Magistral, en fait. Vraiment. Si si. Il fallait que quelqu’un parle de la francophonie en France. Personne n’y avait pensé. L’histoire est psychédélique, ça ne s’invente pas. Visiteur, ô visiteur, viens voir si la fumée du buzz ne provient pas de la cheminée de la Reine !