Genius

Film : Genius (2016)

Réalisateur : Michael Grandage

Acteurs : Colin Firth (Maxwell Perkins), Jude Law (Thomas Wolfe), Nicole Kidman (Aline Bernstein), Laura Linney (Louise Perkins)

Durée : 01:44:00


Unis par leur commune passion des belles-lettres, mais radicalement opposés dans leur mode de vie, l’écrivain Thomas Wolfe et l’éditeur Maxwell Perkins se lièrent d’amitié profonde. Le film qui leur est aujourd’hui consacré aurait pu ressembler à ces nombreux biopics récents, élégants mais fumistes, grattant en surface, par flemme, des vies qui valaient davantage qu’un scénario bâclé. Ces derniers temps, ces longs métrages sont légions. La surprise de ce Genius est d’autant plus belle : il semblerait que le scénariste ait été à la fois réellement intéressé par ses personnages, et zélé dans son travail. La principale qualité de ce Genius est donc sa richesse, qui rappelle de bons classiques du genre, dont la relève tardait.


Tout d’abord, l'immersion littéraire est réelle. Bien qu’adressé au grand public, le film assume son parti pris d’amour littéraire, et n’hésite pas à nous plonger dans les séances de correction des deux hommes. Ils s’acharnent, argumentent, raturent, remplacent, avec une passion communicative. On croise l’auteur de Gatsby le Magnifique, et des citations pêle-mêle pertinentes. On évoque Joyce, Proust, Flaubert, le processus de création, les pannes d’inspiration, l’image des auteurs, les choix de titres de grands romans… Un régal pour ceux qui y sont un minimum sensibles.


A cela s’ajoute une étude de caractères qui ne révolutionne rien, mais fait preuve de finesse, et surtout de profondeur. L’écrivain, auto-proclamé poète, n’est intéressé que par son œuvre et sa postérité (dont il ne reste pas tant de choses que ça d’ailleurs). Pyromane de son entourage, il semble danser au milieu des flammes avec une inconscience que le talent n’excuse pas. Son éditeur, tout à fait gentleman, essaie de faire mieux que corriger les mots : il tente de corriger l’homme.

Au-delà du contact décalé entre deux personnalités bien différentes, le dilemme opposant le travail acharné et la vie de famille se pose, dans la situation exceptionnelle d’un écrivain à succès, et d’un éditeur infatigable. Quelle place accorder au génie, quand on a une famille ? Doit-on s’isoler pour ne plus se consacrer qu’à cela ? Avec le succès, on aurait tendance à penser que la famille freine ces esprits rares. Et puis, on relativise : vous le connaissiez, vous, Thomas Wolfe ?


Genius ne se paie donc pas notre tête : il est le fruit d’un réel travail, et bien que fort classique pour une histoire d’écrivain moderne (au sens épistémologique), d’une passion manifeste pour ces deux vrais personnages de roman. Certes pas dénué non plus de défauts (quelques seconds rôles qui sonnent faux), ce Genius deviendra sans doute la référence cinématographique pour connaître un peu l’histoire de Thomas Wolfe, et de son indispensable correcteur.