Good Kill

Film : Good Kill (2015)

Réalisateur : Andrew Niccol

Acteurs : Ethan Hawke (Commandant Tom Egan), Bruce Greenwood (Lieutenant Colonel Jack Johns), Zoë Kravitz (Aviateur Vera Suarez), Jake Abel (M.I.C. Joseph Zimmer)

Durée : 01:42:00


Good Kill, que l’on pourrait traduire par « En plein dans le mille », est l’histoire de Tommy Egan, pilote d’aéronavale, mais dans le genre anti-Top gun. Non pas qu’il n’ait pas réussi à fendre les airs à la manière du Maverick (Tom Cruise) de 1986. La passion il en a tout autant. Il en avait. Non, c’est juste sa nouvelle mission : piloter des drones, abattre des Talibans et des civils afghans en cliquant sur son joystick, depuis une obscure cabine de commandement stationnée sur une base militaire californienne.

Le film décrit avec beaucoup de réalisme un volet de la guerre moderne qui a peu été exploité au cinéma. Et pour cause : les premiers drones armés ont commencé à être utilisés en 2010. On retrouve ce sujet dans la dernière saison de la série 24h Chrono (2014). Dès le début, le film place la question de l’éthique de la guerre au centre du jeu : comment peut-on abattre un adversaire à des milliers de kilomètres de distance, et s’en retourner chez soi le cœur léger, comme si des hommes, souvent d’innocentes victimes collatérales, n’avaient pas été tués ? C’est impossible pour toute personne tant soit peu équilibrée, répond justement Good Kill. L’actualité lui donne raison puisque la presse américaine relevait en mars 2015 la désertion importante de pilotes de drones américains commençant à avoir le sentiment de faire partie d'une "légion de la mort".

Contrairement à de nombreux films de guerre comme le récent American Sniper d’Eastwood, présentant une Amérique fière de son bellicisme et prompte à tuer pour sauver toujours plus de vies, Good Kill met en avant le côté délirant du mode de vie « guerre et casinos » des nouveaux soldats de l’US Air Force, notamment ceux sévissant depuis la banlieue de Las Vegas. Le film établit un parallèle saisissant et contrasté à la fois entre la vie ludique de la capitale mondiale du jeu, et la vie stressante de soldats qui suppriment des vies réelles dans une activité très proche du jeu vidéo.

Le réalisateur Andrew Niccol, plutôt branché technologie et futurisme avec d’excellents premiers longs métrages (Gattaca, Lord of War, Time Out, Les Âmes vagabondes), confirme son statut prometteur avec cette ultime signature et ne débarque finalement dans le genre réaliste que parce que la technologie futuriste a rejoint de façon inquiétante le réel.

Côté réalisation, le scénario fait un peu les frais du réalisme recherché (scènes parfois répétitives dans le cockpit virtuel ; vie familiale classique d’un militaire qui éprouve sa femme par ses absences ; fin volontairement avortée pour rester sur une ambiance dépressive), la photographie est parfaitement maîtrisée avec de beaux plans aériens, et les acteurs Ethan Hawke et January Jones (abonnée au rôle d’épouse malheureuse suite à Mad Men) se fendent d’une excellente performance toutefois restreinte par les limites du scénario.

Cependant, cela ne suffit pas à dénoter la bonne impression d’ensemble, notamment due au fait que le film expérimente le resserrement croissant des passerelles entre la fiction, le documentaire… et le jeu vidéo.