Il n'est jamais trop tard

Film : Il n'est jamais trop tard (2010)

Réalisateur : Tom Hanks

Acteurs : Tom Hanks (Larry Crowne), Julia Roberts (Mercedes Tainot), Gugu Mbatha-Raw (Talia), Cedric The Entertainer (Lamar)...

Durée : 01:39:00


une comédie romantique très légère qui traite en surface de la difficulté de se refaire au profit d'une romance inintéressante.

L'acteur qui interpréta jadis le rôle principal de Forest Gump a accumulé une longue et brillante carrière dans tous les registres. Ce n'est en revanche que son second long métrage en tant que réalisateur depuis That Thing You Do en 1996. On sera donc peut-être plus enclin à lui pardonner la légèreté de cette nouvelle réalisation qui a au moins le mérite de ne pas alourdir la chaleur estivale.


En soit le sujet n'est pas inintéressant et a pu concerner de nombreuses personnes pendant la crise, surtout aux Etats-Unis : un homme d'une cinquantaine d'années perd son travail du jour au lendemain et décide de reprendre les études. Il ne peut pas rembourser son crédit, perd sa maison, vend tous ses meubles. Tom Hanks, à la fois derrière et devant la camera, a décidé d'en faire un personnage positif. On s'affranchit du cliché dépressif et misérabiliste pour montrer un personnage qui ne se laisse pas abattre malgré sa grande précarité. On pourrait saluer un certain optimisme rafraîchissant mais on a davantage le sentiment d'être au pays de Oui-Oui que dans la vraie vie, celle où des familles ruinées se retrouvent dans la rue, où ceux qui repartent à zéro subissent bien souvent une grande humiliation sociale. Il ne s'agit pas de regretter que le sujet ne soit pas traité de manière dramatique, mais pour susciter un minimum de compassion chez le spectateur il faudrait un peu plus de contrastes. Ici, tout est tellement édulcoré qu'il n'y a pas de place pour l'émotion. En fait, l'aspect comédie romantique prend rapidement le pas sur le versant social de l'histoire, cent fois plus intéressant que l'espèce d'idylle peu crédible et infantile entre deux stars hollywoodiennes.


Les acteurs sont pourtant talentueux. Tom Hanks propose une prestation honorable entre naïveté et détermination tandis que Julia Roberts campe un personnage intéressant de professeur d'université blasé et cynique. Par ailleurs les personnages secondaires tels que Talia, la jeune étudiante pimpante et généreuse, et Lamar, le voisin qui a gagné à une loterie, sont assez sympathiques. Les dialogues sont parfois amusants mais il ne s'agit pas d'une comédie hilarante. Par ailleurs les recettes humoristiques de certaines situations sont surexploitées et manquent cruellement d'originalité. Ainsi on verra trois ou quatre fois Lamar jouer au marchand de tapis ou encore le professeur d'économie confisquer plusieurs fois le téléphone de Larry : si les situations sont parfois drôles (essentiellement en raison du jeu d'acteur), leur répétition sont lourdes. Même dans l'humour, on tourne en rond...


Le plus gênant est le traitement superficiel des thèmes principaux. Repartir de zéro demande un courage qui est à peine esquissé. Il est pourtant clair qu'il s'agit du sujet principal du film : «  Ce que j'ai aimé, c'est qu'il s'agit d'une histoire ancrée dans la réalité. Le film s'adresse à tous ceux et à toutes celles qui se demandent si, tout en travaillant dur, on les apprécie à leur juste valeur ou s'ils font encore partie d'une entreprise qui contribue à améliorer la vie dans leur pays. Nul n'est irremplaçable : c'est une dure réalité. Et quand on est frappé de plein fouet par un licenciement, il faut savoir s'adapter. Il faut se reconstruire, recoller les morceaux et trouver un moyen d'aller de l'avant. » (Nia Vardalos, co-scénariste, in Dossier de presse). Mais Tom Hanks le traite de manière très anecdotique et on ne perçoit pas réellement la difficulté de la situation et la force qu'il faut déployer pour rebondir. On en vient alors à se concentrer sur les problèmes de Mercedes (Julia Roberts) mariée à Dean, un auteur féru de pornographie sur Internet et parfaitement immature. Son histoire est aussi celle d'un retour à la case départ puisque le couple va logiquement se séparer après quelques années de mariage. Mais on ne peut mettre sur le même plan ces deux événements de la vie : Larry n'a pas choisi de perdre son travail tandis que Mercedes a normalement choisi de vivre avec Dean. Si l'on est content de voir Larry se prendre en main pour tout reconstruire, il paraît en revanche assez malsain de se réjouir qu'un mariage brisé donne naissance à une nouvelle histoire d'amour.


Le titre français Il n'est jamais trop tard (au lieu du laconique Larry Crowne original) traduit cependant l'optimisme du film. Malgré l'âge et les épreuves que la vie nous réserve, il y aurait toujours un moyen de se retourner. Si le message est juste on est pourtant à la limite de la condescendance tant le décalage avec la réalité est important.


En définitive, le film passe à côté d'un sujet humainement intéressant pour nous emmener dans une histoire romantique peu édifiante et totalement vaine.


Jean LOSFELD