Jackie

Film : Jackie (2016)

Réalisateur : Pablo Larraín

Acteurs : Natalie Portman (Jackie Kennedy), Peter Sarsgaard (Bobby Kennedy), Greta Gerwig (Nancy Tuckerman), Billy Crudup (Le journaliste)

Durée : 01:40:00


Jackie Kennedy après la mort de son mari, certes pas le plus fidèle du monde, mais dont elle fut sincèrement amoureuse : c’est le désespoir de tous les êtres subissant un coup du sort violent, fatal, et perçu comme injuste. 

Le spectacle est dur, éprouvant ; l’attentat vient comme une balle sur le spectateur, violent, traumatisant comme il l’a sûrement été.

Errant fanée dans les couloirs d’une Maison Blanche brusquement vide, écrasée sous l’ombre de la mort, qui plane sur presque tout le film, la pauvre Jackie se demande comment on peut mériter cela. Son embryonnaire révolte, couplée à une féminine et profonde remise en question, se confronte au ton paternel et rassurant d’un prêtre, celui qui doit enterrer JFK. Jackie est croyante. Comment Dieu a-t-il pu faire, ou laisser faire cela ? Aborder la logique de Dieu, comprendre la souffrance, comprendre que la justice n’est pas rendue ici-bas, vaste chantier pour cet homme d’Eglise. A une femme de personnage historique, il ne fallait pas n’importe quel orateur. Ce dialogue est le petit trésor du film. 

Femme de président renvoyée à la vie active, avec deux enfants à qui annoncer la mort du papa, et un beau-frère pleurant orgueilleusement la gloire à côté de laquelle les Kennedy passaient, on arrive à compatir malgré son goût du luxe, ses caprices, son côté fille gâtée, qui ressort, évitant au film le péché d’hagiographie. 

Jackie est donc un deuil personnel, intimiste, où l’on retrouve, derrière les façades historiques, les figures et les symboles, des êtres humains, qui fonctionnent comme vous et moi. Les attentes éventuelles de fresque historique seront déçues.

Intimiste disais-je : le tourment causé par ce meurtre, pour cette femme à la fois choyée par le monde entier pleurant plus ou moins sincèrement JFK, et en même temps abandonnée, presque impossible à accompagner dans sa détresse, commence dans un fond musical dissonant, pénible à entendre. On entre dès le départ dans la tête de Jackie où le chaos vient d’exploser. La réalisation n’est pas que soignée, elle suit et symbolise minutieusement l’état dans lequel la veuve se trouve. Chaque morceau, chaque lumière compte, livrant une nuance de noirceur ou d’espoir de cette âme déchirée. 

Par son regard et ses dialogues, Jackie livre une réflexion psychologique tout en finesse, et s’appuie non seulement sur une Natalie Portman au sommet de son art, mais aussi sur d’excellents seconds rôles. Les mauvaises langues se demanderont pourquoi faire de l’assassinat majeur du XXe siècle un deuil ordinaire. Jackie, par les pistes qu’il ouvre, montre que le deuil, bien que plutôt fréquent depuis Adam et Eve, est toujours un événement extraordinaire : comme chaque amour est unique, chaque mort est unique aussi.