Jane Got a Gun

Film : Jane Got a Gun (2015)

Réalisateur : Gavin O'Connor

Acteurs : Natalie Portman (Jane Hammond), Joel Edgerton (Dan Frost), Ewan McGregor (John Bishop), Noah Emmerich (Bill Hammond)

Durée : 01:38:00


Si l’on regarde parmi les bons westerns de ces dernières années — comme True Grit, Django Unchained ou La dernière Piste — on observe l’ineffaçable ligne qui s’est tracée entre les mouvements américains et italiens de ce même genre. Pour aller plus loin, l’un et l’autre sont devenus des simules d’eux-mêmes en poussant jusqu’à la limite ce qui les définissait. Le western spaghetti est resté ultra-stylisé, violent, cynique (comme il l’était du temps de Leone et Corbucci), mais il semble maintenant qu’il ne respecte plus rien, que l’humour et le décalage soient devenus une priorité allant jusqu’à désamorcer le style et la violence qui le définissait. Il en va de même pour le western américain : l’intimisme de John Ford, l’importance de la morale et le poids du devoir sur des personnages au passé grave, mais non dit, ont muté dans des films parfois trop bavards qui oublient de faire parler le paysage — ce qui était la première motivation du western.

Jane Got a Gun, en tant qu’héritier du western fordien, frôle cet écueil. Les flash-back — légèrement cucu de surcroit — sont de trop et gâchent le plaisir du spectateur de sentir le passé d’un personnage au lieu que de le découvrir explicitement. À plus forte raison quand on a des acteurs aussi doués que Nathalie Portman et Joël Edgerton.

En revisitant dans un conte plus moderne — d’aucuns diraient féministe — le chef-d’œuvre, La prisonnière du désert, Gavin O’Connor et le scénariste Brian Duffield livrent une histoire peu originale, mais veinée de fulgurances. Les rebondissements et les révélations sur le passé des personnages sont prévisibles. Mais c’est un mal pour un bien, qui rend le film assez calme, dans sa deuxième partie. Ce calme fait ressortir le personnage de Jane, véritable coup de génie de ce film, tant sur l’écriture que sur le jeu. Femme blessée, abandonnée, trahie… Mais aussi forte, combative et dévouée. Elle se bat pour sa fille et fait même toucher du doigt au spectateur la force de cet amour dans ce qu’il a de plus viscéral ; de plus beau ou de plus tragique. Mais Jane got a Gun est-il pour autant un film féministe ? Tout dépend de ce que l’on entend par là. Abaisse-t-il les femmes ? Non. Considère-t-il les femmes comme auxiliaires, ou les réduit-il à leur sensualité ? Non. L’image de la femme véhiculée par le film est celle de la mère, de l’épouse et de l’amante autant que celle d’une combattante. Jane est un grand personnage, autant que des personnages d’hommes ont pu l’être, mais reste un personnage féminin. Le féminisme prôné ici est donc la mise en valeur d’un personnage de femme sans indifférenciation avec l’homme.

Jane Got a Gun, héritage moderne du cinéma de Ford n’est pas un western important. Mais c’est un bon western. La mise en scène s’offre quelques clins d’œil au public averti — le plan sur le désert depuis l’intérieur, et le magnifique travelling sur la femme qui court vers son mari. L’ambiance calme virant à la tension est bien menée et le dénouement, qui synthétise dans un rappel les instants forts du métrage, est un moment aussi émouvant que puissant dans l’action.