Jason Bourne

Film : Jason Bourne (2016)

Réalisateur : Paul Greengrass

Acteurs : Matt Damon (Jason Bourne), Tommy Lee Jones (Robert Dewey), Alicia Vikander (Heather Lee), Vincent Cassel (Asset)

Durée : 02:04:00


Retrouver Jason Bourne, pour une génération d’afficionados de l’action-espionnage, c’est un plaisir mêlé d’une angoisse trop justifiée par les méthodes de l’Hollywood actuel : va-t-on encore pourrir une franchise que j’aime avec la suite de trop ?

Une chose est sûre, Paul Greengrass veut prendre soin de son public et ne manque pas au long de la première heure de l’arroser d’allusions et de clins d’œil plaisants aux trois premiers films. Le meilleur d’entre eux est l’invitation de Niky à Jason Bourne qu’elle convoque au milieu d’une manifestation à Athènes : un prêté pour un rendu après la scène berlinoise de La Mort dans la peau (Paul Greengrass, 2004). On se réjouira aussi de voir le cinéaste dépasser le simple fanservice quand, sans se contenter de se plagier lui-même, il réalise un tour de force d’une vingtaine de minutes : course poursuite sur fond d’émeute ; une scène haletante et d’une ampleur impressionnante, sans le too much qui vient trop souvent frapper d’infamie les ambitions du grand spectacle américain.

Sans s’abaisser au rang du boum-boum bêta, ce nouvel opus trahit néanmoins la tradition de scénarios alambiqués et de « trucs et astuces du parfait espion » qu’on aimait s’extasier de ne pas comprendre dans la première trilogie. Ici, le héros peine à garder le coup d’avance qu’il avait tant sur ses ennemis que sur son public ; tout est clair, explicite et déroulé linéairement sans retournement ni réel mystère. Ceci mène à une deuxième heure moins appliquée dont l’aboutissement de la cession d’avec la franchise se trouve dans une course poursuite à Las Vegas, rocambolesque et bruyante, à grand renfort de voitures volantes et d’immeubles saccagés… Oserai-je dire qu’on se serait cru dans Fast and Furious ? Sans parler du twist totalement artificiel et gadgétisé qui tente de sauver la fin… Une pincée de sel et une feuille de basilic n’ont jamais sauvé des tripes en conserve.

De son propos, on ne retiendra qu’une réplique intéressante de Tommy Lee Jones qui, chose rare pour un antagoniste, arrive à développer un propos sensé, libre de la mauvaise foi du dialoguiste, en faveur d’une certaine société de surveillance. Le reste n’est qu’une litanie de concepts passe-partout qui, pour les bouffeurs de pop-corn, suffisent amplement à croire que le film pense : « le monde doit savoir », « la liberté » et « la sécurité »… le tout noyé façon pudding dans un patriotisme béat dont le cinéma d’action américain aura toujours peiné à offrir une définition après des décennies de propagande hollywoodienne.

Pour être tout à fait honnête, j’ai malgré tout passé un moment excellent devant ce nouveau Jason Bourne, surement parce que je m’étais dérobé à toute expectation. Sans être au niveau des premiers films, c’est un film qui se place bien au dessus de ce que le genre nous a offert ces derniers temps ; et sans craindre de me répéter, la scène d’Athènes vaut à elle seul le déplacement dans une grande salle obscure !