L’ Affaire SK1

Film : L’ Affaire SK1 (2013)

Réalisateur : Frédéric Tellier

Acteurs : Raphaël Personnaz (Franck Magne), Nathalie Baye (Frédérique Pons), Olivier Gourmet (Bougon), Michel Vuillermoz (Carbonel)

Durée : 02:00:00


L'histoire vraie et totalement hallucinante d'un homme qui viola et massacra des jeunes filles pendant 17 ans !!!

Ce cauchemar est proprement extraordinaire. Dans ce dossier, tout semble avoir fait pour que Guy Georges, le tueur en série, passe continuellement entre les mailles du filet, et si un média pouvait rendre compte à la fois des faits, des souffrances et des exaspérations de tout le monde (policiers, peuple, familles des victimes), c'est bien le cinéma.

Il faut rendre un hommage à Frédéric Tellier, à la genèse de ce film qu'il réalise lui-même, car le travail fourni est colossal !

Le film est en effet placé sous le sceau de l'authenticité. Tout dans ce film est d'un réalisme hallucinant. Le fonctionnement du service de police, l'assurance du criminel, les réactions des familles de victimes qui veulent comprendre, prérogative suprême de la justice, la cause efficiente de leur affliction. Les scènes s'enchaînent avec fluidité dans un montage efficace, nerveux, qui s'introduit dans les moindres interstices de la vie privée pour injecter le spectateur au cœur de ce drame. De plus, le jeu de tous les acteurs est remarquable.

En fait le film est si réaliste qu'il pose une vraie question : faut-il tout montrer ? Car en voyant les photos de meurtres, les scènes de crime reconstituées dans leur plus parfaite crudité, j'ai été propulsé à l'époque de mes études de criminologie, où les photos soumises à notre étude correspondaient en tous points à ce qui est montré dans le film. Or, pour vous livrer un point de vue personnel, je ne suis pas sûr que cette violence doive être communiquée au grand public. Ces scènes sont morbides en ce qu'elles mettent celui qui les voit directement en contact avec la mort. Guy Georges, comme tous les autres tueurs en série qui l'ont précédé, a usurpé la terrible prérogative de transformer la grâce en morceau de viande.

Le film aurait pu, comme ce fut la mode au cours des périodes idéologisées post-soixante huitardes, s'attarder sur l'enfance de Guy Georges, abandonné par ses parents, obligé de se prostituer pour survivre. On connaît les théories déresponsabilisantes de la justice sociale, allègrement célébrées dans les milieux embourgeoisés et doctement défendues par les Michel Foucault, Badinter et consorts, qui veulent systématiquement exorciser le mal à grands coups de principes sociologiques. Ici rien de tel. Juste de l'incompréhension totale, du dégoût mêlé de compassion pour cet homme monstrueux.

Pourtant, Frédéric Tellier pose le problème dans les questions existentielles auxquelles Frédérique Pons, l'avocate du tueur, est confrontée. A plusieurs reprises, la question lui est posée : elle est une femme. Comment peut-elle le défendre ?

Cette question révèle deux erreurs communes : celle de penser que l'avocat est systématiquement d'accord avec celui qu'il défend et, surtout, celle de considérer que le rôle de l'avocat est nécessairement d'innocenter son client.

Une telle vision, très normale à une époque où le passionnel tend systématiquement de réduire la justice au silence, oublie que l'avocat n'est pas là pour mentir, mais pour présenter au juge les éléments nécessaires à l'édiction d'une juste peine. Si le client est coupable, l'avocat honnête ne cherchera pas à le faire innocenter. Il se contentera de mettre en lumière tous les éléments bienveillants que l'accusation omettra de citer parce que ce n'est pas son rôle.

Il s'agit en fait, purement et simplement, d'une simple division du travail. Le juge n'étant pas omniscient, il faut porter les faits à sa connaissance et, pour plus d'efficacité, il est évident que la meilleure solution est de spécialiser les avocats, les premiers dans la recherche des éléments à charge, les seconds dans celle des éléments à décharge.

Oui, Guy Georges avait le droit d'être défendu, et cela indépendamment des considérations de Frédérique Pons dans le film, qui se trompe de réponse. En répondant au policier, qui lui dit être chargé de traquer le criminel, qu'elle était pour sa part chargée de traquer « l'homme derrière le criminel », elle sous-entend que le policier ne traque pas l'homme, et qu'elle ne défend pas le criminel. Or c'est faux. Les deux traquent la même personne, mais la police construit le dossier pour l'accusation (le procureur), tandis que l'avocate bâtit celui de la défense. Dans les deux cas, il s'agit et de l'homme, et du criminel…

Pour conclure le film est dur et brutal, comme les faits dont il se veut le fidèle scribe. Il n'est pas sûr qu'une telle œuvre vous remonte le moral, mais elle aura au moins pour vertu de vous plonger dans la dure réalité du 36, quai des Orfèvres.