La famille Bélier

Film : La famille Bélier (2014)

Réalisateur : Eric Lartigau

Acteurs : Louane Emera (Paula), Karin Viard (Gigi), François Damiens (Rodolphe), Eric Elmosnino (Monsieur Thomasson)

Durée : 01:45:00


Éric Lartigau, le mari de Marina Foïs (la Marie-Joëlle de la Tour Montparnasse infernale, pour les connaisseurs), continue son ascension. Depuis son emploi comme crieur chez un commissaire-priseur, puis comme chauffeur, puis comme assistant réalisateur, ce jeune talent français a fait du chemin. Aujourd'hui réalisateur, il signe là un quatrième film nerveux et sensible, concentrant sa réflexion sur des thèmes indémodables comme la famille, le handicap et l'adolescence.

Quel casting ! François Damiens est parfait dans le rôle du père paysan, bourru et affectueux, Karin Viard interprète une mère attachante, et Eric Elmosnino un professeur de chant passionné.

Face à cette troupe de choc Louane Emera, la gagnante sur TF1 de l'émission musicale The Voice 2, parvient sans mal à se faire une place. Cette petite est décidément pleine de ressources. Si elle sait évidemment chanter (quoique sa voix ne soit vraiment pas si extraordinaire), elle démontre un vrai talent d'actrice et a même appris le langage des signes, qu'elle compte maintenant présenter au baccalauréat (elle est en 1ère).

Les thèmes sont relativement bien traités.

Le handicap, bien sûr, est envisagé sous un jour amusant. La famille Bélier a parfaitement intégré qu'on peut être sourd et muet comme on peut être blanc ou noir, qu'il s'agit d'une simple différence dont on ne doit pas rougir. On en oublierait presque qu'il s'agit d'une anomalie et, en se présentant aux élections de son village, le père démontre une pugnacité presque banale. On découvre également combien le quotidien est impacté par le handicap. En incarnant la voix de ses parents, Paula entre dans l'intimité de ses parents (en témoigne une scène cocasse chez le sexologue) et s'enferme, aussi, puisque qu'elle est l'indispensable passerelle entre sa famille et le monde.

C'est le principal problème de la famille. Paula est heureuse, avec les siens, mais leur handicap est un authentique fardeau. Obligée de négocier les prix au téléphone dans l'enceinte de son lycée, hésitante à ramener des amis à la maison… Faudra-t-il qu'elle reste éternellement dans le cocon, ou pourra-t-elle développer un vie en dehors de sa famille ? Cette problématique sert de fil rouge au film. La famille Bélier est unie, travailleuse, mais pour Paula, la chanson Je vole de Michel Sardou est idoine. Elle doit partir, et ce départ est un séisme psychologique pour tous.

Concernant l'adolescence, Paula est à n'en pas douter, une adolescente coincée (au début du film et avant de découvrir le chant, évidemment). Tous les problèmes de l'adolescence sont donc posés sans concession : les menstruations, le passage à l'âge adulte, les amourettes (ce qui nous vaut une scène tue-l'amour avec un préservatif)… Paula entre donc dans la relation connue du « je t'aime moi non plus, » vis-à-vis d'elle-même et vis à vis des autres.

Le dénouement de toutes les problématiques se fera dans la scène finale, où Paula, désormais férue de chant, interprète Je vole dans une audition pour Radio France. De ce fait, la scène est très émouvante, parce qu'elle délivre subitement le spectateur de toutes les tensions.

Les plaisanteries n'étant pas toujours de bon goût, le film est à réservé à un public averti, mais il charrie malgré tout avec sa bonne humeur et la justesse de son étude de caractères. Assez intéressant, donc, et divertissant.