La French

Film : La French (2013)

Réalisateur : Cédric Jimenez

Acteurs : Jean Dujardin (Le juge Pierre Michel), Gilles Lellouche (Gaëtan "Tany" Zampa), Céline Sallette (Jacqueline Michel), Mélanie Doutey (Christiane Zampa)

Durée : 02:15:00


La French connection, mafia corse déployée à Marseille (théâtre du film) et active dans le monde entier surtout dans les années 60, est une nouvelle fois portée à l'écran, à côté des deux opus French connection de William Friedkin et John Frankenheimer.

Mais ce dernier film de Cédric Jimenez, un jeune cinéaste au début de sa carrière, est plus personnel : il retrace le combat du juge Michel contre cette organisation, en faisant remonter celle-ci au caïd Zampa, l'homme qui avait sauvé le maire Gaston Deferre des violences communistes avant de lui marteler qu'à Marseille le vrai patron, c'était lui. Le futur ministre lui en tiendra rigueur, ce qui explique son soutien au juge Michel dans le film, bien que cette anecdote ne soit pas rapportée. En fait, il s'agit là d'une première erreur : Zampa n'a jamais été vraiment une tête de la French connection, qui était d'ailleurs plutôt un réseau qu'une organisation unique.

De plus, même si toutes les erreurs contenues dans le film ne parviennent pas à en altérer la grande qualité, notons que la nomination du juge Michel, deuxième magistrat historiquement après le juge Renaud à avoir été assassiné dans le cadre de son emploi, ne s'est absolument pas faite comme dans le film, mais que le magistrat était à l'origine en intérim avant de prendre définitivement le poste.

En réalité, peu importe : le film est excellemment bien construit et c'est d'ailleurs ce qui l'a conduit à de pareilles erreurs. On sent en effet que le cinéaste a rivalisé de solutions pour rendre le film efficace. Si le film de mafia est évident, en opposant Zampa au juge Michel, il emprunte directement au western. En centrant la caméra sur le magistrat, il brosse une épopée tragique, surtout lorsqu'il montre une hiérarchie réticente à le soutenir sur ce difficile combat. Les hommes politiques, quant à eux, sont montrés comme les parfaits rats visqueux qu'ils sont, toujours prêts à s'approprier le mérite des autres, magouilleurs et très arrangeants avec la morale, opportunistes, bref, insupportables. La mise en scène des planques, des fusillades, etc. font encore de ce film un bon thriller. Cédric Jimenez nous refait même le coup de la femme idiote qui n'a pas compris que le métier de son mari est un sacerdoce et pleurniche pour sauver prétendument une vie de famille qui, en fait, n'est pas vraiment en danger. Tout, je vous dis. Il nous aura tout fait.

Résultat ? Un film qui aurait pu s'écraser en flammes en voulant emprunter trop de sentiers scénaristiques mais s'en sort très honorablement grâce au talent de son réalisateur-scénariste d'une part, et aux performances de Gille Lellouche et Jean Dujardin d'autre part, qui se connaissent parfaitement. Il faut en effet se rappeler que le dernier film dans lequel les deux compères (amis dans la vraie vie) se donnaient la réplique était une gigantesque bouse. En voulant stigmatiser l'adultère, Infidèle avait en effet totalement raté son objectif pour finalement devenir un réel accident de parcours pour les deux acteurs. Ici, les voilà rachetés. Leur jeu est impeccable, et même Jean Dujardin est parvenu à renoncer à ses fameuses mimiques pour se fondre dans la peau de son personnage, qui est à Marseille ce que le juge Falcone est en Italie. Autour d'eux, Benoît Magimel et Mélanie Doutet, pour ne citer qu'eux, participent activement au souffle de l’œuvre.

La French est donc un polar dramatique saisissant, qui donne envie d'être dans la peau de ces héros trop méconnus grâce auxquels la civilisation porte son nom. Et un film qui pousse à l'héroïsme authentique, cet héroïsme qui se pare des vertus du sacrifice, mérite amplement d'être apprécié.