Le premier Sicario avait mis la barre très haut, dirigé de main de maître par Denis Villeneuve. Vouloir lui donner une suite, sans lui, et prolonger une intrigue pourtant terminée, ressemblait à la recette parfaite pour décevoir le public.
Et pourtant, Stefano Sollima s’en tire à merveille. Il appuie son Sicario sur les deux personnages masculins majeurs de l’original, excluant Kate Macer (Emily Blunt), l’envoyée du F.B.I., qui servait de repère moral. Plus de règles, plus de bons ni de mauvais, plus d’ange ni de morale : l’antimonde de la frontière entre le Mexique et les États-Unis devient terre d’anarchie, où même l’Etat se corrompt, loin des regards émotifs de l’opinion.
Le spectacle est à la hauteur de l’actualité : sombre, violent, impitoyable, jusqu’au dérangement du spectateur, effectivement ému par tant de violence et de cruauté. Ici, la trahison, le rapt, le meurtre, la déchéance des enfants embrigadés dans cette guerre nouvelle forment un quotidien désespérant.
Mais au lieu d’y promener un être de morale, pour distinguer les vierges de ce monde, et les « dépucelés » corrompus, comme le faisait Villeneuve, Sollima s’attache plutôt à montrer que le bien peut jaillir même dans cet enfer, dans le coeur de n’importe qui. Ce qui ne produit pas forcément des saints : faire le bien est une chose, devenir vertueux en est une autre. Sollima conserve donc la marque indélébile, sur les âmes, de ce terrain de chasse sans foi ni loi.
Au petit jeu des comparaisons, cette suite a le mérite d’être mieux rythmée que le premier Sicario, et d’être plus riche en péripéties. Mais cette richesse lui fait perdre la profondeur de Villeneuve : Sicario premier du nom était une lente plongée dans les couloirs caverneux du mal, le second ressemble davantage à une pétarade aventureuse. Et lorsque le thème musical du premier retentit, on se rappelle la pesanteur géniale de l’original, observant l’homme s’embourber dans ses corruptions et ses méfaits ; ici, la chute est brutale, explosive, trop pressée pour plonger dans la longueur du temps de ce désert ensanglanté. La qualité des plans s’en ressent, plus quelconques ici ; mais Sollima n’a pas voulu faire du Villeneuve, et il a bien fait : son Sicario donne un regard légèrement différent sur ce décor noir, qui, sans jurer avec l’ancien, complète l’ensemble.
Et le pire, malgré tant de noirceur, c’est qu’on regrette que ça se termine : ces deux gaillards sont de véritables cow-boys modernes, dans le réel politiquement très incorrect du Far West mexico-texan (l’histoire donne très envie de dresser de grands murs aux frontières…), comme on n’en fait plus beaucoup sur le Vieux Continent. Il existe encore des guerriers, sans cape et sans super-pouvoirs, qui, malgré cette fameuse marque salissant leur âme, se battent pour la bonne cause.
Le premier Sicario avait mis la barre très haut, dirigé de main de maître par Denis Villeneuve. Vouloir lui donner une suite, sans lui, et prolonger une intrigue pourtant terminée, ressemblait à la recette parfaite pour décevoir le public.
Et pourtant, Stefano Sollima s’en tire à merveille. Il appuie son Sicario sur les deux personnages masculins majeurs de l’original, excluant Kate Macer (Emily Blunt), l’envoyée du F.B.I., qui servait de repère moral. Plus de règles, plus de bons ni de mauvais, plus d’ange ni de morale : l’antimonde de la frontière entre le Mexique et les États-Unis devient terre d’anarchie, où même l’Etat se corrompt, loin des regards émotifs de l’opinion.
Le spectacle est à la hauteur de l’actualité : sombre, violent, impitoyable, jusqu’au dérangement du spectateur, effectivement ému par tant de violence et de cruauté. Ici, la trahison, le rapt, le meurtre, la déchéance des enfants embrigadés dans cette guerre nouvelle forment un quotidien désespérant.
Mais au lieu d’y promener un être de morale, pour distinguer les vierges de ce monde, et les « dépucelés » corrompus, comme le faisait Villeneuve, Sollima s’attache plutôt à montrer que le bien peut jaillir même dans cet enfer, dans le coeur de n’importe qui. Ce qui ne produit pas forcément des saints : faire le bien est une chose, devenir vertueux en est une autre. Sollima conserve donc la marque indélébile, sur les âmes, de ce terrain de chasse sans foi ni loi.
Au petit jeu des comparaisons, cette suite a le mérite d’être mieux rythmée que le premier Sicario, et d’être plus riche en péripéties. Mais cette richesse lui fait perdre la profondeur de Villeneuve : Sicario premier du nom était une lente plongée dans les couloirs caverneux du mal, le second ressemble davantage à une pétarade aventureuse. Et lorsque le thème musical du premier retentit, on se rappelle la pesanteur géniale de l’original, observant l’homme s’embourber dans ses corruptions et ses méfaits ; ici, la chute est brutale, explosive, trop pressée pour plonger dans la longueur du temps de ce désert ensanglanté. La qualité des plans s’en ressent, plus quelconques ici ; mais Sollima n’a pas voulu faire du Villeneuve, et il a bien fait : son Sicario donne un regard légèrement différent sur ce décor noir, qui, sans jurer avec l’ancien, complète l’ensemble.
Et le pire, malgré tant de noirceur, c’est qu’on regrette que ça se termine : ces deux gaillards sont de véritables cow-boys modernes, dans le réel politiquement très incorrect du Far West mexico-texan (l’histoire donne très envie de dresser de grands murs aux frontières…), comme on n’en fait plus beaucoup sur le Vieux Continent. Il existe encore des guerriers, sans cape et sans super-pouvoirs, qui, malgré cette fameuse marque salissant leur âme, se battent pour la bonne cause.