La Mère patrie des orphelins

Film : Couleur de peau : Miel (2012)

Réalisateur : Jung

Acteurs : William Coryn (Jung), Christelle Cornil (La mère), Jean-Luc Couchard (Le père), Arthur Dubois (Jung (8 ans)), David Macaluso (Jung (17 ans))

Durée : 1h 15m


Orphelin depuis l’âge des premiers souvenirs, Jung vit une enfance malheureuse en Corée jusqu’à son adoption en 1971 par une famille belge catholique. Cette arrivée à 6 ans dans une Europe de l’Ouest riche et forte n’est pas pour autant vécue comme une entrée au paradis car la vie réserve de nombreux tourments à cet enfant sensible et turbulent.

En adoptant un ton enfantin très réussi et sincère, ce premier long-métrage autobiographique de l’auteur de bandes dessinées Jung échappe au piège du niais et gagne la confiance et l’empathie du spectateur. On y voyage à travers l’enfance par des tableaux théâtraux qui font le génie des narrations non exhaustives. Les scènes sont donc distinctes et construites, pour décrire tantôt les jeux d’enfants, tantôt la vie de famille, avant d’explorer la solitude de l’adolescence, sans se répéter.

Sans omettre le racisme innocent des enfants ou de la grand-mère d’un autre temps, le scénariste parvient à donner une vision équilibrée de la différence, et ose parler de déracinement : puisque c’est là la problématique principale de cet enfant qui refuse de se dire Coréen, mais qui cependant, s’attache à l’amour oublié d’une mère qu’il n’a jamais connu.

En faisant de la maternité une métaphore de la nationalité, Jung parvient à traiter ces thèmes avec une dialectique redoutablement efficace. Il pèse avec honnêteté d’un côté puis de l’autre avant de trouver dans le final, une synthèse satisfaisante et très émouvante.

Il faut noter cependant quelques défauts à ce film d’animation dont l’image est assez peu esthétique. L’animation numérique est parfois trop criarde et donne un regrettable aspect amateur à ce film pensé et abouti. De même, la voix off et le dialogue trop uniforme, sont parfois lourds car le réalisateur s’en sert de manière trop voyante pour faire passer son message. Ce qui est fort dommage pour un auteur de BD qui sait le pouvoir narratif et médiatique de l’image. C’est la patte du coréalisateur, le documentariste Laurent Boileau qui donne cet aspect très déclaratif que l’on regrette un peu. Tout comme l’usage d’intermèdes filmés qui donnent il est vrai une portée supérieure au récit, en suivant les pas d’un Jung adulte sur les traces de ses parents, mais qui donnent l’impression d’une ficelle un peu visible et tire-larmes, en sus d’être peu esthétique.

Au résultat, Couleur de peau : Miel est un essai réussi sur la question de l’adoption et de l’importance des racines dans le développement de la personnalité. On lui pardonnera quelques fautes de goût tant la justesse et la simplicité du propos le rendent agréable et didactique.