La Nouvelle vie de Paul Sneijder

Film : La Nouvelle vie de Paul Sneijder (2016)

Réalisateur : Thomas Vincent

Acteurs : Thierry Lhermitte (Paul Sneijder), Géraldine Pailhas (Anna Sneijder), Pierre Curzi (Maître Wagner-Leblond), Guillaume Cyr (Benoit) Charistéas

Durée : 01:54:00


Il arrive souvent que des films soient trop bien vendus, qu’un battage médiatique et marketing fasse monter un soufflet commercial qui présage le vent bien mérité qu’un film s’apprête à prendre ; que la montagne accouche d’une souris. Et puis, parfois, c’est l’inverse : un petit rien nous surprend, et l’on a l’heureuse surprise de découvrir un bon film, trop bien caché derrière des affiches, bandes annonces et synopsis trop médiocres.

C’est le cas de La vie cachée de Paul Sneijder dont la promotion, très axée sur l’aspect comique du métrage, donnait le reflet d’une mauvaise comédie, pseudo-subversive, sur la crise de la quarantaine et le bourgeois installé. Loin de ces clichés odieux, vus et sur-vus dans le cinéma français, le film canadien offre une fraicheur et une puissance plus proche de la comédie sociale américaine qui fuit le militantisme — ce qui en France prend le pas sur l’œuvre elle-même — au profit d’un réel travail de la situation. Prenons l’exemple récent de Démolition, production canado-américaine qui jouait déjà sur ce tableau.

Le public français appréciera de redécouvrir Thierry Lhermitte, dans une nouvelle version de lui-même. Réputé à raison pour son charisme de cabot, il brille ici de simplicité et de pudeur. Quand le montage lent de la première moitié du film étire à l’excès des scènes silencieuses ou des gros plans sur son visage, l’acteur parvient à rester expressif et crée un réel lien entre son personnage et le spectateur, lien de confiance et de compassion essentiel aux effets délivrés par la deuxième moitié du métrage.

Mais la réelle surprise du film, surtout venant du créateur des abjectes séries Borgia et Versailles, réside dans son propos. La critique de la société d’argent, à fortiori dans le milieu du cinéma (français), passait jusqu’à présent par des idéologies sociales-révolutionnaires. Ici, Thomas Vincent se fait le rapporteur d’une certaine idéologie, apolitique, qui prône un humanisme non pas droit-de-l’hommiste et sûr de lui, mais « limitiste » (mon choix de mot fait référence à la revue chrétienne sur la décroissance Limite). En effet, l’argent n’est pas critiqué comme moyen d’oppression de l’élite sur le peuple mais comme moyen de soumission de l’homme à ces égoïsmes ; le travail comme meurtre du caractère unique de l’individu ; la réussite sociale comme ambition du « minable ». Les mots sont forts et le propos très dur, mais l’amour — presque charité — dont semble vivre le personnage dans la fin du film fait passer le message sans trop de secousses.

On notera le symbole très intrigant de l’accident d’ascenseur. Tout commence quand un ascenseur se crash — sûrement le retour violent à la réalité et la chute d’un homme qui ne s’élève que selon des critères matériels —, puis vient la curiosité incomprise de ce même homme pour la machine ascendante — peut-être l’intrigue d’une âme ayant frôlé la mort, curieuse de l’au-delà et qui se fixera pour quête d’atteindre le sommet de la plus haute tour du monde, filmée dans des lumières blanches et éblouissantes… je recommande aux spectateurs de porter leur attention, à la fin du film, sur la vision métaphorique de la mort. Et tout au long du film, du reste. La nouvelle vie de Paul Sneijder, c’est une conversion au sens étymologique, un changement de direction, une métamorphose : se débarrasser de ce qu’on ne veut plus être et se conformer à un bien nouveau que l’on découvre une fois le bruit du monde éteint, quand le cœur s’ouvre, disposé à accueillir une vie nouvelle.