La Passion de Jeanne d'Arc

Film : La Passion de Jeanne d'Arc (1928)

Réalisateur : Carl Theodor Dreyer

Acteurs :

Durée : 01:50:00


D’une rare intensité, ce film de Carl Th. Dreyer reconstitue le procès de Jeanne d’Arc en s’appuyant sur le procès-verbal du procès de la sainte, document historique conservé à l’Assemblée Nationale. Il dresse le portrait d’une Jeanne d’Arc toute humaine au milieu de ses juges rusés et perfides. Le film restauré en 1985 est une reconstitution fidèle faite à partir des négatifs du film original de 1928 que l’on croyait perdu suite à un incendie. Mais une copie de l’original a été retrouvée en 1981 en Norvège.

La Passion de Jeanne d’Arc est un film muet, accompagné pour cette version de 1985, d’une partition de Jon Van den Booren composée pour le film. Qui dit film muet, dit aussi interprétation quelque peu caricaturale et c’est le cas dans ce film pour Jeanne. Certains spectateurs seront déconcertés par cette exagération dans le jeu. Le silence à lui seul accentue l’oppression des juges sur la jeune femme. Il rend ce procès encore plus terrible. Tout est dans les regards et dans les expressions, dans les sourires malicieux pleins de sous-entendus. De même, les gros plans parfois longs, les contre-plongées et les plongées fréquentes renforcent tantôt la pression des juges, tantôt l’angoisse de Jeanne et sa solitude.

Oui, vraiment ce procès tel que nous le montre Carl Th. Dreyer fut terrible. La sobriété et la pureté du film le font bien ressentir comme tel. Ce n’est pas une Jeanne d’Arc chef de guerre qui est ici jugée, c’est une jeune femme seule, face à des théologiens aveuglés qui réclament sa mort, lui font du chantage, la terrorisent et même, la torturent. C’est bien une Passion, qui n’est pas sans rappeler la Passion du Christ. L’injustice est criante. Mais Jeanne d’Arc bien qu’écrasée par ses juges ne perd pas pour autant sa dignité. Elle a terriblement peur. Elle est humaine et la mort l’angoisse. Mais elle est forte de la Foi. Elle est rayonnante quand il est question de celle-ci. Sur 1 500 plans tournés pour ce film, on compte plus de 400 plans sur le visage de Renée Falconnetti, un visage sur lequel on lit facilement l’angoisse, l’innocence et la lumière de la foi.

Ce film est remarquable pour l’authenticité historique des questions et des réponses tirées du procès-verbal. On y retrouve les admirables répliques de Jeanne et à travers elles, un enseignement moral. Déjà, la hauteur de vue de Jeanne d’Arc, ses inspirations spirituelles que ne peuvent comprendre ses juges terre-à-terre. Elle parle de libération. Ils pensent à une attaque matérielle. Mais tout comme dans la Passion du Christ, ce n’est pas d’une victoire temporelle dont il est ici question, mais bien d’une victoire spirituelle. L’aveuglement de ces juges hypocrites n’est pas sans rappeler celui des Juifs de l’Évangile. De même, l’image de Jeanne couronnée d’épines est bien le rappel du Sauveur couronné et flagellé. Ainsi, le procès inique de la sainte est un pâle écho de celui du Christ. C’est aussi l’histoire d’une jeune femme martyre qui offre sa vie pour la France. Ce film soulève aussi la question de la guerre. Dieu a donc un parti pour la France ? Jeanne évite le piège du juge. Les Anglais ne sont pas chez eux. Il seront chassés de France.

Il existe une vingtaine d’adaptations cinématographiques de Jeanne d’Arc. La Passion de Jeanne d’Arc reste unique par sa pureté, son intensité et son terrible réalisme.