La Prochaine fois je viserai le coeur

Film : La Prochaine fois je viserai le coeur (2013)

Réalisateur : Cédric Anger

Acteurs :

Durée : 01:51:00


Après Le Tueur, L’Avocat et L’homme qu’on aimait trop, Cédric Anger confirme son virage du flingue vers la psychologie. Au lieu de présenter des faits sordides et d’en chercher le coupable, il préfère suivre les traces d’un coupable tout désigné, l’insoupçonnable petit gendarme.

Inspiré d’une histoire vraie, parmi la litanie de potentiels scénarios de film qu’on trouve chez ces tueurs psychopathes français, le film essaie d’imaginer le quotidien d’un de ces hurluberlus.
Les maladresses sont nombreuses : sado-maso, caractériel, assez violent, victime d’hallucinations, tout est fait pour nous convaincre qu’il est complètement fou.
Les crimes gratuits qu’il commet devraient suffire, non ? Ce qui étonne chez certains de ces cas pathologiques, c’est le paradoxe entre leur attitude sociale et leur vie secrète. Ici, le contraste est de plus en plus faible.
Plus on voit le type être dérangé, moins on le trouve bizarre, étrange n’est-ce pas ? Un dingue de ce genre paraît beaucoup plus dingue, s’il est exemplaire en public ! Bon, les psychopathes sont peut-être incapables de cacher leur folie très longtemps, va savoir…

Bon fou qu’il est, il ne peut s’empêcher de commettre de lourdes erreurs. On est presque déçu qu’il soit juste ingénieux, et non machiavéliquement génial. En fait, on s’attend à un tueur en série qui se différencie des autres malades de son espèce, et on se rend compte qu’il est, pour un fou assassin, bien « banal ». Il le paraît d’autant plus qu’en ajoutant à la réalité des « trucs de fou », comme ses séances masochisme, il fait presque « cliché » du malade, imaginé par quelqu’un… qui a peu d’imagination.

Heureusement, la tension monte progressivement, même si le dénouement tombe sans grand suspense. Mais une gêne assez suffocante s’installe, « grâce » (le spectateur est venu voir un taré, faut pas s’étonner) à la prestation marquante de Guillaume Canet. Acteur habituellement peu organique, timide d’une certaine manière, il semble ici se libérer. Ses têtes d’allumé le rendent parfois méconnaissable.

Quelques fulgurances de mise en scène sortent le film de l’ordinaire. Un fou qui essaie d’imiter les gens normaux, ça donne quoi ? Un contexte très décalé des événements, par exemple ; très prisé au cinéma, pas assez exploité ici (Al Capone pleurant d’émotion à l’opéra pendant que ses hommes tuent comme des bêtes, ça vous dit quelque chose ? Les Incorruptibles bien sûr…).

En revanche, il faut retenir l’excellente et angoissante ambiance du film. Vieille campagne française, sulfureuse, avec ses villages déserts la nuit, ses routes solitaires et dangereuses… Décors, silences, direction photo et cadrage bien pensés contribuent à cette atmosphère malsaine, au sens théâtral du terme. En plus du bon acting, ça rend bien.
Mais cela justifie-t-il de montrer une telle sauvagerie ? Oui, c’est vrai, ça aurait pu être pire. Mais souvenez-vous : « Celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute à son tour »…