La Tête haute

Film : La Tête haute (2014)

Réalisateur : Emmanuelle Bercot

Acteurs : Catherine Deneuve (La juge), Rod Paradot (Malony), Benoît Magimel (Yann), Sara Forestier (Séverine)

Durée : 01:59:00


Un jeu d'acteurs impeccable, un thème actuel et poignant, une immersion dans les affres psychologiques d'un jeune garçon laissé au bord de la vie.

D'ores et déjà, on peut avoir une crainte.

La première, c'est d'assister à un nouveau discours culpabilisant d'une gauche sociale héritière des valeurs d'un Michel Foucault, de ces angélistes décérébrés qui excusent le meurtre à grand renfort d'enfance malheureuse. Ici, il n'en est rien. Ce qui est montré par le film est d'un réalisme cru. Les crétins avaient cru pouvoir répondre à cette gauche sociale que la délinquance n'avait pas de lien avec le contexte social, c'est faux. Il faut simplement comprendre que la pauvreté qui engendre la violence n'est pas économique : elle est morale.

Une mère complètement perdue et abandonnée, qui abandonne à son tour son enfant. L'intarissable source de misère des familles décomposées. Cellule de base de la société, la famille poursuit le jeune délinquant Malony pendant tout le film. Un père qui abandonne sa mère, un mère qui fuit ses responsabilités, puis une famille qui lui échappe, un petit frère qu'il voit si peu et, ultime épreuve, la nouvelle famille qu'il va créer avec cette fille dont le physique est une icône LGBT à lui tout seul. Cet enfant qui arrive, il en a peur. Et pourtant, c'est lui qui empêche l'avortement, cet implacable ennemi... de la famille toujours.

Montrer les bas-fonds de la société. La vraie difficulté dans ce genre d'entreprise est de savoir COMMENT montrer… Si vous voulez voir ce qui est, regardez ce film, mais attendez-vous à voir des choses gênantes, parce que la réalité EST gênante.

On ne décèle pas de complaisance malsaine dans l'image, contrairement au film Mommy, avec lequel ce film est très abusivement comparé, mais les images sont dures. Lorsque Malony se trouve seul avec une fille qui l'aime, il est comme handicapé d'affection. Il n'y parvient pas. Il demande à la jeune fille de le « sucer, » lui reproche implicitement de ne pas être une actrice porno, la cogne contre un mur. C'est un incapable, un impuissant d'amour.

L'image de la juge, interprétée par Catherine Deneuve, est très finement posée. Dix ans passés par cette femme à suivre cet enfant tend le piège de l'attachement désordonné, mais la femme ne s'attache pas. « On n'est pas là pour t'aimer, dit-elle cruellement à Malony, on est là pour t'aider. »

La formule est choquante parce que fausse. Bien sûr qu'elle est là pour l'aimer, mai cet amour ne doit pas être maternel.

C'est ce que peine à comprendre Yann, l'éducateur qui suit Malony en cheville avec la juge. Homme au passé difficile, il se reconstruit en reconstruisant les autres, mais finit par prendre Malony pour son fils. Embêtements en perspective, assurément.

Voilà tout le bilan d'un film qui observe l'État prendre en charge un enfant difficile. Une administration ne remplacera jamais une famille et, surtout, s'occuper des individus est un patch inopérant à long terme. C'est d'abord la politique et, par-dessus, la morale qui réduira ces situations. Or le film n'en parle pas. On ne peut pas parler de tout.

En attendant le sujet est excellemment bien traité mais l’œuvre doit être absolument réservée à un public très très averti.