Le Christ est-il historiquement ressuscité ?

Film : Jésus, l'enquête (2017)

Réalisateur : Jon Gunn

Acteurs : Mike Vogel (Lee Strobel), Erika Christensen (Leslie Strobel), Faye Dunaway (Dr. Roberta Waters), Robert Forster (Walter Strobel), Frankie Faison (Joe Dubois), L. Scott Caldwell (Alfie Davis), Mike...

Durée : 1h 52m


Nous vivons une époque pleine de paradoxes. Celle qui fait étaler la vie privée sur la place publique comme jamais (réseaux sociaux, presse people, revendications diverses pour légiférer sur la vie intime …), et celle qui dresse une muraille infranchissable entre les deux. On exacerbe l’identité profonde quand il s’agit de disséquer la moindre pulsion sexuelle, et on l’enterre pour ce qui relève de la foi. Or, la foi n’est-elle pas davantage déterminante pour un individu ?
Et paradoxe encore de voir venir de ce qu’on considère souvent comme l’Empire du matérialisme un film traitant de façon décomplexée, vraie, de religion. Question de culture, on le sait bien. 
Au-delà des polémiques autour de la religion qui a brûlé Galilée (ou pas), une histoire se concentre sur l’inévitable et fondamentale question : quel pari tenter ? Celui de croire, ou de ne pas croire ? 

 À travers cette histoire de journaliste athée cherchant à démonter par des faits la foi nouvelle de sa femme, Jésus : l’enquête invite le spectateur à l’honnêteté. Notre héros ne jure que par une chose : les faits. Du moins, le croit-il : comme beaucoup d’autres, il ne peut s’empêcher d’avoir des a priori, et de vouloir les étayer par des faits, soigneusement choisis ou interprétés. Mais pour une fois, les faits le contrarient.
Des mauvaises langues cibleraient bien son manque d’envergure intellectuelle (il est loin d’être idiot, mais ce n’est pas un penseur à proprement parler) pour affronter une pensée construite sur un livre et une philosophie qui le dépassent de loin. Là aussi, elles partiraient du principe - non vérifié - que la religion est une supercherie, et feraient feu de tout bois pour discréditer l’enquête du journaliste ; comme des avocats, mais pas comme des juges ! 

Le principe est posé : les faits seulement. Pour être certain de ne pas avoir affaire à des déformations de militants, l’enquêteur se tourne vers des athées, des agnostiques sur-diplômés, s’appuyant eux-mêmes sur les sources modernes de connaissance (la science, et dans une moindre mesure, la psychanalyse). L’enquête avance, avec des faits, validés par les uns, expliqués par les autres. 
Le film donne les échanges les plus marquants de cette histoire vraie, racontée par son auteur dans le livre The Case for Christ (Lee Strobel, notre héros), et satisfait à peu près le croyant. Qu’en sera-t-il du non-croyant ? Si le journaliste n’est pas assez fort pour lui, comme défenseur de l’athéisme (ce qu’il n’est pas censé être, vu le présupposé déontologique d’objectivité du journalisme), alors pourquoi ne pas reprendre l’enquête ? 

Trop souvent, les réalisateurs de biopics ne savent pas gérer le balancement entre vie extérieure et vie privée. Une force de celui-ci consiste à éviter le schéma maladroit qui fait de la vie familiale un instant de retombée dramatique, une « pause » dans la narration. Le film, ici, parvient à bien lier les deux : les tribulations de couple, par leur lien évident avec l’intrigue de l’enquête, au lieu de devenir une pause, ajoutent au contraire une tension supplémentaire. 
Au-delà de cette qualité technique, on note la cohérence avec l’interpellation du film au spectateur, lui faisant comprendre que l’enquête accomplie n’est pas un débat poussiéreux d’historiens scientifiques, mais un enjeu capital concernant nos vies toutes entières.

Tiraillé entre son athéisme et la conversion de sa femme, notre homme est donc directement concerné par la question. On pourrait aussi dire que le désir cathartique le pousse à la réconciliation : que nenni, celui-ci ne cédera pas pour faire plaisir ! 

Ainsi, quoiqu’on pense des conclusions de l’affaire, Jésus : l’enquête a pour mérite d’inviter à se poser une question (qui devrait être) essentielle : pourquoi existons-nous ? Et à tenter d’y répondre avec honnêteté. Le tout dans une mise en scène rythmée, servie par des acteurs et des dialogues convaincants ; un tour de force quand il s’agit de si profondes convictions.