Le Combat ordinaire

Film : Le Combat ordinaire (2014)

Réalisateur : Laurent Tuel

Acteurs : Nicolas Duvauchelle (Marco), Maud Wyler (Emily), André Wilms (Moret), Liliane Rovère (Mère de Marco)

Durée : 01:40:00


Deux ans après La grande boucle, tourné avec Clovis Cornillac, c'est à la bande-dessinée des Larcenet que Laurent Tuel a décidé de s'attaquer, non sans prendre quelques libertés.

Tout d'abord le quatrième album est exclu du film. Ensuite on y rajoute la disparition de cet ancien d'Algérie, devenu ami de Marco. Pour des raisons étranges, le film rajoute même un érotisme qui n'a aucun intérêt, comme cette scène au cours de laquelle Marco se fait surprendre en pleins ébats avec Emily par son frère et sa femme.

Certaines coupes ont également été réalisées, pour des raisons différentes. L'addiction assumée de Marco et son frère pour le « pétard », comme ils aiment à le crier dans la version papier, par exemple, probablement politiquement incorrecte, ou le voisin hargneux du jeune homme, qui n'a pas grand intérêt dans la bande-dessinée si ce n'est expliquer la mort du chat (qu'on ne comprend pas vraiment dans le film).

Le milieu de la photographie, enfin, très présent dans la bande dessinée, est ici relégué au rang d'anecdote, même si la photographie elle-même est largement représentée.

Les dialogues de la bande-dessinée, quant à eux, sont souvent suivis à la lettre près. Curieusement, le film retire une bulle pourtant importante dans la scène où le vieux tortionnaire de la guerre d'Algérie refuse de se faire prendre en photo. Dans le film, il dit ne pas douter que la photo serait belle, « mais justement... » Dans l'album il ajoute : « souvent les plus belles images sont les moins honnêtes ».

Or cette différence est importante car elle souligne à quel point le film s'écarte de la profondeur déjà toute relative de l'œuvre originale. Certes la photographie est un des axes majeurs, mais moins que les crises d'angoisse du protagoniste, finalement assez anodines dans la bande-dessinée. Certes on perçoit une réflexion sur le chômage dans le secteur primaire, mais en toile de fond seulement.

La chose que le film reprend plutôt deux fois qu'une, c'est l'aversion pour le Front National, par la prise politique de Marco et sa famille bien sûr, mais également en ridiculisant un des amis de celui-ci, électeur du parti à la flamme puisque paumé (le raccourci habituel), paumé au point de faire un bon vieil abandon de famille.

L'idée maîtresse du film, c'est la peur de la vie. Peur ressentie par Marco au travers de ses crises d'angoisse et de sa trouille de s'engager dans quoi que ce soit, peur du père de Marco au travers de son Alzheimer et de ses aveux sur la naissance de son fils, peur et remords de cet ancien officier d'Algérie qui raconte être devenu fou à 25 ans à cause de la politique de l'État français, prêt à tout pour obtenir des informations.

Un combat ordinaire, en somme, qui porte bien son nom mais n'épargne pas au spectateur l'ennui d'une vie qui ressemble à celle de beaucoup.