Le Fils à Jo

Film : Le Fils à Jo (2010)

Réalisateur : Philippe Guillard

Acteurs : Gérard Lanvin (Jo Canavaro), Olivier Marchal (Le Chinois), Vincent Moscato (Pompon), Jérémie Duvall (Tom Canavaro), Karina Lombard (Alice Hamilton) .

Durée : 01:35:00


D'excellents acteurs dans un scénario sensible enrobé de virilité de terroir, où un père passionné va apprendre sans ennuyer le spectateur à connaître son fils et découvrir la valeur de l'amitié.

Décidément le cinéma français met l' amitié à l'honneur ! Après Les petits mouchoirs, de Guillaume Canet (2010), Le fils à Jo remet le couvert et plonge délicieusement les mains dans l'authenticité de la France rurale.

 

Amitié entre Jo et son fils d'abord, qui se côtoient sans se comprendre. Sans aucun doute, Jo est un bourrin. À juste titre fier de sa lignée, championne de rugby, il projette son avenir dans celui de son fils, qui a le malheur de préférer les maths. Depuis le décès de sa femme, il entretient son terrain de rugby et tente de retrouver sa jeunesse dans celle de sa progéniture. Mais il est temps pour lui d'aimer son fils pour ce qu'il est, comme le lui rappelle un fâcheux événement. : son stade familial est vendu par la mairie à une entreprise anglaise. Il n'avait déjà plus d'équipe, il n'a plus de terrain. Pour s'en sortir il a besoin des autres, et en premier lieu de son fils.

 

Et c'est un vieil ami de rugby, incarné par Olivier Marchal alias « Le Chinois », qui va l'épauler. Comme lui (ou presque), il n'a pas de famille et avec lui, il va tenter de remonter l'équipe pour son baroud d'honneur avant la disparition de son terrain. Tout le monde en rigole, dont quelques-uns avec cynisme, mais Jo n'en a cure : dans la mêlée, il excelle.

 

Il va donc, pendant une heure et trente-cinq minutes de pellicule, s'ouvrir à ses amis et à son fils, apprendre à concilier humilité et ténacité, faire le deuil de cette épouse qu'il aimait tant... et redécouvrir l'amour et la joie de vivre. On aurait pu tomber dans le cliché d'un fils persécuté de ne pas vouloir marcher sur les traces de son père, mais pas cette fois. Si Tom est de bonne volonté, son père risque simplement de marquer contre son camp en forçant trop les choses. Du coup, dès que Jo prend conscience que cette existence, à côté de lui, n'est pas la sienne, et qu'il relâche l'étreinte, les choses se déroulent logiquement et dans le plus grand naturel.

 

La France rurale, qui sert de théâtre à l'action, séduit par son authenticité, quoique le trait soit quelquefois un peu forcé. Tout le monde se connaît, les querelles sont légions et parfois ridiculement disproportionnées, Jo tutoie le maire, et l'officier de gendarmerie ferme les yeux sur une conduite en état d'ébriété. Dans une France aseptisée qui s'offusque de la bonne bouteille et des bourre-pifs, le cinéma joue une fois de plus son rôle de soupape en montrant à l'écran de façon jubilatoire ce qui vaut, dans la vie réelle, un passage devant le juge.

 

Enfin l'amour qui va naître entre Jo et Alice est empreint de délicatesse. Bourru dès qu'il est avec ses amis, Jo perd ses moyens en face de la fraîcheur et de l'apparente fragilité de la jeune femme. Celle-ci apprend quant à elle à connaître le contexte dans lequel elle est fraîchement débarquée, se prend d'amitié pour Jo et finit par s'éprendre de lui. Leurs relations sont montrées avec pudeur, puisqu'on ne verra pas même un baiser, mais la finesse du film consiste à tout faire comprendre sans rien montrer, échappant ainsi aux facilités de l'image impudique.

 

 

 

Raphaël Jodeau