Le jeu du 'Fake'

Film : Game Night (2018)

Réalisateur : Jonathan M. Goldstein

Acteurs : Jason Bateman (Max), Rachel McAdams (Annie), Billy Magnussen (Ryan), Sharon Horgan (Sarah), Lamorne Morris (Kevin), Kylie Bunbury (Michelle), Jesse Plemons (Gary Kingsbury), Michael C. Hall (The...

Durée : 1h 40m


Copie conforme de l'excellent The Game de David Fincher (1997) avec quelques variantes, la version du débutant Jonathan Goldstein intitulée Game Night déçoit à cause d'un mauvais copier-coller. On vous rappelle le concept : organiser un jeu de rôle grandeur nature entre amis adultes pour procurer des sensations fortes à la personne visée par le jeu, de façon à lui faire croire à la réalité d'un événement grave du style enlèvement ou mort subite. Tout l'enjeu du film consiste à faire douter le spectateur lui-même sur le caractère ludique des actions qui se déroulent. Par quel moyen ? En utilisant simplement des événements en apparence imprévus censés interrompre le cours "normal" du jeu. Résultat, les protagonistes d'abord amusés finissent par paniquer et contribuent à déloger progressivement le spectateur de sa certitude que "tout" fait partie du jeu. 

Pourquoi ça ne marche pas avec Game Night ? Tout simplement parce que les auteurs du film ne croient pas un seul instant à ce qu'ils racontent ! Voulant dérouter le spectateur déjà averti par des films comme celui de Fincher, ils choisissent de complexifier le scénario à outrance, le rendant parfaitement ridicule à la fin [attention spoiler !] : au jeu original prévu par le protagoniste principal se greffent non seulement un autre jeu concurrent mais aussi l'incident réel liant l'un des joueurs à son passé de criminel... [Fin du spoiler]. La coïcidence même de ces trois événements se déroulant en milieu nocturne est tellement peu probable que cela en devient illisible dans le jeu des acteurs qui réagissent de façon complètement inappropriée devant l'irruption d'un incident réellement imprévu ou dans une situation faisant gober par exemple un "malfaiteur" (?) par un réacteur d'avion (éclats de rire). Tout un pont par ailleurs est bloqué pour une scène de fusillade, sans que les riverains ne s'en émeuvent ou que quelque chose vienne déstabiliser l'organisation du jeu, ce qui semble hautement improbable.

Un Fake Game

Pourquoi ça marche avec The Game ? Tout bêtement parce que le génie de Fincher n'est pas d'accumuler les scènes d'action capilotractées mais de jouer réellement avec les nerfs et la psychologie du spectateur. Rien n'est laissé au hasard dans son film, focalisé sur l'intention cachée de l'organisateur du jeu dont on ignore jusqu'à la fin le vrai mobile. Le spectateur rentre lui-même dans la peau du joueur principal devenant fou au point de vivre des expériences intolérables : tuer un proche par erreur et essayer de se suicider. Il en ressort une profonde réflexion sur le sens de la vie que l'on trouve à peine dans Game Night où le couple principal composé de Jason Bateman et de Rachel McAdams exprime d'entrée son désir de remédier au problème d'infertilité rencontré par le premier en recourant à des sensations fortes.

Bref, on ressort un peu déçus de cette aventure à l'issue de laquelle le grand gagnant est peut-être un certain esprit propre à notre époque : l'esprit du "fake", par lequel la sensation forte est censée l'emporter sur tout jugement critique... On connaissait les "fake news". On connaît à présent le "fake game", où une grande partie de ce que l'on vous montre est faut, y compris les réactions naturelles des protagonistes.