Le Labyrinthe du silence

Film : Le Labyrinthe du silence (2014)

Réalisateur : Giulio Ricciarelli

Acteurs : Alexander Fehling (Johann Radmann), André Szymanski (Thomas Gnielka), Friederike Becht (Marlene Wondrak), Hansi Jochmann (Erika Schmitt)

Durée : 02:03:00


L’Allemagne n’a pas fini de traîner son boulet nazi. Un énième film revisite le sujet. Mais il a deux mérites : son réalisateur allemand, Giulio Ricciarelli, et son angle de vue inédit au cinéma, portant sur la dénazification entreprise en République fédérale d’Allemagne dans les années 1950. Processus qui conduira notamment au procès de Francfort dit « Second procès d’Auschwitz » de 1963 à 1965.

Cette histoire du jeune procureur juif-allemand, Fritz Bauer, est attirante parce qu’elle questionne le comportement du peuple allemand face à l’héritage de ce sombre passé. Le film rappelle que le chancelier Konrad Adenauer avait imposé de clore le chapitre de la Seconde Guerre mondiale et de ne pas revenir sur les crimes de guerre commis notamment dans les camps de concentration. A cela s’ajoute que parmi les 10 millions de soldats engagés dans la Wehrmacht, beaucoup étaient restés en vie et s’étaient reconvertis dans la société allemande d’après-guerre. Rouvrir les pages douloureuses du passé pour faire la lumière sur les crimes non-justifiés par la guerre, était sans doute un exercice redouté par beaucoup de citoyens allemands.

C’est donc face à un silence généralisé que se retrouve le jeune Fritz Bauer. Le film montre bien la difficulté de son engagement, sa confrontation à toutes les réticences. Bien que ne revendiquant pas de message moralisateur, Ricciarelli dénonce les complicités par omission de témoignage et de réaction. Il assume une certaine autocritique, montrant bien que l’enquête menée peut facilement virer à la paranoïa lorsque Fritz se figure la complicité de toute la société allemande dans les rouages de la machine nazie. Un point culminant est atteint lorsqu’il découvre avec stupeur l’ancienne appartenance de son propre père au parti national-socialiste.

Le film pose alors une question poignante pour l’Allemagne actuelle : est-il vraiment nécessaire que chaque jeune Allemand se demande si son père (ou son grand-père en l’occurrence) a été un meurtrier ? Ce questionnement montre à quel point le pays est encore traversé par le syndrome de la Seconde Guerre mondiale. La représentation contrastée des opinions face à ce dilemme insoluble appuie la crédibilité du film.

L’effort de restitution historique dans les dialogues, la construction des personnages et leur comportement mérite d’être souligné. Mais le film souffre d’une mise en scène parfois simpliste. Le scénario est trop focalisé sur l’histoire romancée de Fritz Bauer et oublie les plans d’ensemble et les archives vidéo qui auraient davantage aidé à la reconstitution du contexte politique de la RFA dans les années 50. Le scénario diminue d’ailleurs volontairement l’impact destructeur de la guerre sur une Allemagne encore vaincue, anéantie, et jugée coupable par les Alliés. Il n’insiste pas assez sur le fait que la société allemande ne connaissait pas les faits relatés bien plus tard au sujet des camps.

Il colle en tout cas à l’actualité puisque vient de s’ouvrir le procès d’Oskar Gröning, 93 ans, surnommé le « comptable d’Auschwitz » et jugé pour « complicité de meurtres aggravés ». Cet homme figure parmi les derniers criminels de guerre survivants encore recherchés par la justice allemande. Les faits étant éloignés à présent, la réunion de preuves s’avère ardue. Mais en 2011, un cas de jurisprudence a permis à la justice allemande d’établir une condamnation sur le seul principe de « complicité » à l’extermination.

Complicité basée sur des documents d'identité attestant de l’activité d’un gardien au camp de Sobibor.