Le Maître de musique

Film : Le Maître de musique (1988)

Réalisateur : Gérard Corbiau

Acteurs : José van Dam (Joachim Dallayrac), Anne Roussel (Sophie Maurier), Philippe Volter (Jean Nilson), Patrick Bauchau (le prince Scotti)

Durée : 01:30:00


            Sorti en 1988, Le Maître de musique est le premier film de fiction réalisé pour le cinéma par Gérard Corbiau. Grand amateur de musique, ayant déjà réalisé plusieurs téléfilms pour la RTBF sur ce thème, il réalisera quelques années plus tard deux films très remarqués à la gloire du chant lyrique, Farinelli (1994) puis Le Roi danse (2000).

 

            Le Maître de musique retrace l'évolution de différents personnages : celle d’un grand baryton, Joachim Dallayrac (José Van Dam) et celle de ses deux élèves, la jeune soprano Sophie et un petit voyou à la voix prometteuse, Jean.

           

            Ce film est construit à la manière d'un opéra. En effet, le discours habituel est pratiquement absent de la première partie du film, pour laisser s’exprimer la musique et les chants, parties intégrantes du film, magnifiées par le talent exceptionnel du baryton-basse José Van Dam. Les chants rythment le film et communiquent les émotions des personnages aux spectateurs. Ils apparaissent comme un véritable langage que de simples mots ne pourraient traduire. Ces chants et cette musique sont-ils simplement l’expression d’un plaisir, un divertissement ou répondent-ils à une nécessité ? Si, à la suite de Bergson, nous pouvons dire que « nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent » et que « la pensée devient incommensurable avec le langage », le chant et la musique dépassent ces limites, ainsi que le manifeste ce film. Le regard y est également très important, car il permet une communication immédiate, en précédant les mots là où la musique les dépasse. Comme le dit Joachim Dallayrac : « On chante avec le regard. »

 

            La beauté de ces chants révèle également la technique, la discipline et la totale concentration nécessaires pour exceller dans le monde de l'opéra. La volonté est au cœur de ce travail et rien n'est possible sans elle. Le spectateur peut observer l'évolution de ces trois personnages, chacun ayant une ambition différente. Le maître, Joachim Dallayrac, souhaite transmettre tout son savoir et partager cet amour de la musique et du chant, pour que ce dernier puisse s'emparer et s'insinuer dans l'âme du chanteur. Cette nécessité devient évidente pour le spectateur. La jeune Sophie, première élève de Joachim, est habitée par le chant et désire ardemment apprendre. Elle parvient à ressentir tous les sentiments qui se dégagent d'un chant, comme, par exemple, « un cri d'agonie ». Elle est également éprise de son professeur, bien que marié, et désire lui faire plaisir. Enfin, la première ambition du jeune Jean est de « pouvoir mépriser les gens comme » Joachim Dallayrac. Pour cela, il lui faut gloire, réputation et talent. Il est également animé par la volonté de plaire à la belle Sophie. La principale ambition, et la plus importante, est néanmoins de chanter pour chanter, exprimer le trop-plein de son âme, sans que s’impose une autre fin. Le chant et la musique sont pratiqués pour eux-mêmes.

 

            Le Maître de musique est aussi rythmé par différentes intrigues amoureuses, qui ne viennent cependant pas empiéter sur le chant, vrai protagoniste du film. En effet, le couple Dallayrac est mis à l'épreuve par l'amour que porte Sophie à son maître de musique, lequel finit par le refuser. De la même manière, Jean tombe amoureux de la jeune fille qui, après s’être détournée de lui, l'accepte. Ces amours, bien différentes, répondent à la rythmique de la musique, plus ou moins vécue, appliquée, passionnée.

 

            Le Maître de musique est donc un film louant le quatrième art et son apprentissage, mené par des talents vocaux, notamment celui de José Van Dam. Bien que son issue soit assez évidente, le film montre que l'art permet de dépasser ce que les mots peuvent difficilement traduire, surtout lorsqu'il s'agit d'émotions et de sentiments. À travers son travail, ici le chant, l'artiste s'investit lui-même, transmet une partie de lui-même et fait comprendre aux autres qui il est. Ce film, en définitive, est un très bel hommage à la culture.