Le Majordome

Film : Le Majordome (2013)

Réalisateur : Lee Daniels

Acteurs : Forest Whitaker (Cecil Gaines), Oprah Winfrey (Gloria Gaines), Mariah Carey (Hattie Pearl), John Cusack (Richard Nixon)

Durée : 02:05:00


Le Majordome est vraiment un film qui sort de l'ordinaire, et ceci pour plusieurs raisons.

D'abord le réalisateur Lee Daniels, qui pioche régulièrement des petits oscars et des palmes un peu partout, est un grand cinéaste. Je ne résiste pas à vous retranscrire un passage de son entretien dans le dossier de presse : « C'est le film le plus difficile que j'aie jamais réalisé. Je me suis rendu compte assez tôt que mon regard sur le monde n'est pas le même que celui de la plupart des gens. Il n'y a aucune scène à caractère sexuel, très peu d'injures ou de propos grossiers, et encore moins de violence, alors que nous traitons d'une période historique extrêmement violente. En tant que cinéaste, je devais donc faire preuve de retenue, et j'en suis très fier. » Bin mon colon... Il faudrait bien que Tarantino en prenne de la graine !

Ensuite le film déroule un casting hallucinant : Forest Whitaker, Oprah Winfrey, Mariah Carey, John Cusack, Jane Fonda, Cuba Gooding Jr, Terrence Howard, Lenny Kravitz, Robin William, Vanessa Redgrave... Que du beau monde ! Évidemment, ça sent le démocrate à plein nez mais enfin, la brochette est franchement appétissante !

On s'en doutait : porter le film sur autant d'épaules ne pouvait que l'alléger, malgré le poids de son sujet.

Car ce sujet constitue une autre caractéristique notable du film. Dans notre monde de combats de toutes sortes et de toutes natures, ce film s'installe comme un vieux sage au fond de sa grotte, interrogeant le visiteur non pas seulement sur une résistance, mais bel et bien sur les moyens d'une conquête sociale.

La situation des noirs aux États-Unis fut hallucinante. Qu'on essaie de culpabiliser les Français avec l'histoire d'un pays lointain est un autre sujet. Il n'en reste pas moins que l'émancipation du peuple noir aux États-Unis fut un épisode particulièrement douloureux.

Face à un tel drame deux possibilités taraudent, encore et toujours, tous les résistants de toutes les époques : le choix de la paix, ou celui de la violence.

Après avoir choisi le premier camp, celui de Martin Luther King, c'est le deuxième que finit par choisir Louis, le fils de Cecil, notre majordome. Sous une apparence de paix, bien sûr, puisque les Blacks Panthers justifiaient leurs actions violentes par la fourniture de nourriture et de services sociaux qu'ils prodiguaient aux populations noires. Une chose cependant souligne le parti pris du film. Lorsqu'il rejoint les rangs de Malcom X, Louis n'exerce aucune brutalité, et un voile pudique est jeté sur celle du mouvement, à peine montrée par quelques images d'agitation.

En revanche, le choix de son père, Cecil, est extraordinaire. Il est majordome à la Maison-Blanche. Le film montre magistralement combien il est « au service » sans être « servile. » Les mots de Martin Luther King sont à cet égard confondants de lucidité. En servant l'homme blanc, le « nègre de maison » montre qu'il est sérieux, fiable, et renvoie l'image d'un peuple noir digne et capable. Au travers de cette conception du service, c'est toute une philosophie qui transparaît. Celle de l'humilité, et de la conquête des cœurs par l'amitié. Cette relation qu'il noue avec huit locataires de la Maison-Blanche fait autant que toutes les manifestations réunies. Pourtant Cecil tirera des leçons du militantisme de son fils et osera réclamer l'égalité de traitement entre noirs et blancs à la Maison-Blanche. Mais devant l'hostilité du chef du personnel, c'est encore son amitié avec le Président qui va venir à bout des blocages.

Un film excellemment réalisé, d'une grande profondeur, qui prend place très honorablement dans la culture du devenir meilleur.