Le Pape François

Film : Le Pape François (2015)

Réalisateur : Beda Docampo Feijóo, Eduardo Giana

Acteurs : Dario Grandinetti (Père Jorge), Silvia Abascal (Ana), Laura Novoa (Regina), Leonor Manso (Grand-mère Rosa)

Durée : 01:44:00


Depuis sa création, spécialement à l’occasion de la sortie de Cristeros en 2014, la société de distribution SAJE ne cesse de développer son activité, avec un certain prosélytisme. Aujourd’hui elle importe d’Argentine un biopic sur le pape François.

 

La démarche est bancale à tout point de vue. Réalisé sans recul par un réalisateur partial, en pleine période de popularité du pape, on le regarde d’un œil inquiet. De fait, les dix premières minutes sont extrêmement maladroites et confirment encore une fois que le cinéma chrétien continue de s’adresser exclusivement à ceux déjà acquis à sa cause.

 

La biographie du pape se justifie par le récit véridique, semble-t-il, de cette jeune journaliste espagnole se liant d’amitié avec le Cardinal Bergoglio durant le conclave de 2005 et suivant son parcours jusqu’à son élection de 2013. Ces huit années d’amitié font à leur tour échos au 77 années de la vie du Père Jorge, dont on évoque la famille, les premières amours, la vocation, le ministère, etc. Au milieu de tous ces éléments simplistes, auxquels on peut s’attendre en allant voir la biographie d’un pape, le film semble s’appesantir un quart d’heure sur l’histoire de deux jésuites enlevés puis libérés par la junte militaire au pouvoir en 1976. Certes, cette anecdote mystérieuse, qui fit l’objet de la plus sérieuse polémique autour du cardinal Bergoglio, mérite sa place dans le biopic. Mais le manque de renseignement, la prudence de l’équipe du film, ou l’idéalisation du personnage empêche tout abord sérieux de la question et tue net le rythme d’un film au déroulé déjà très approximatif.

 

La superposition des trois lignes narratives, qui rappelle (peut-être) le style de Scorsese (maitre du biopic romancé) est en effet assez confuse. Celles-ci semblent faire simple jeu de transition entre les enseignements assénés en rafale par le personnage idéalisé … Le récit n’est pas au service, mais esclave de son propos, qui vient s’imposer lourdement à chaque tableau : le monde il est méchant avec les pauvres, et le pape il est vraiment très gentil !

 

Seulement — il faut l’admettre et c’est une conclusion purement personnelle — si je me peignais plus haut que le cinéma chrétien ne savait s’adresser qu’aux siens, il faut lui reconnaître au moins qu’il le fait efficacement et qu’à défaut de convertir les foules, il aura au moins converti un chrétien. Et alors que naissait en moi une certaine mauvaise conscience de me moquer de ce film, vint en même temps la sensation d’en être automatiquement pardonné, et cette leçon que la bonté ne paraît niaise et méprisable qu’aux yeux d’une conscience lourde. Pour ceux qui connaissent cette sensation, on ressort de Le Pape François comme d’une confession, on a vu ce qu’il y avait de plus sale en nous, mais on en sort heureux, les yeux presque humides d’un mélange de soulagement et d’excitation. Une expérience d’ennui magnétique, de malaise réconfortant que l’on recommande à tous les publics !