Le secret des poignards volants

Film : Le secret des poignards volants (2003)

Réalisateur : Zhang Yimou

Acteurs : Andy Lau (Leo), Ziyi Zhang (Mei) Takeshi Kaneshiro (Jin) et Song Dandan (Yee)

Durée : 01:59:00


Le réalisateur Zhang Yimou ne se destinait pas aux films d’arts martiaux mais il faut avouer que ses tentatives furent des succès. Sa grande force, et on avait pu le constater avec plaisir dans Hero, est dans sa recherche artistique très poussée. Les arts martiaux, surtout dans le domaine de l’épée chinoise, sont magnifiquement chorégraphiés, mais leur chorégraphie n’est pas une fin en soi. En effet, aux combats fluides
et impressionnants, envoûtants même grâce aux effets spéciaux, s’ajoute un ballet dramatique de sentiments. Le drame est la matière de Yimou, et la poésie est son pinceau. On ne peut rester indifférent au charme de la légende chinoise surtout lorsque la réalisation est aussi bien travaillée : Yimou est un véritable peintre, il mêle avec adresse les couleurs et l’histoire en nous projetant ainsi dans un monde fantastique où les mouvement du corps et de l’âme n’ont plus de limites.

Le scénario inspiré de l’histoire chinoise et de ses légendes est séduisant. Cependant, on déplore certaines lourdeurs qui ont tendance à faire sourire en pleine tragédie. De plus le début et autres séquences présentent quelques longueurs. Le casting est toujours aussi plaisant même s’il est vrai que c’est souvent les mêmes acteurs, mais pourquoi pas, le rôle leur colle à la peau. En tout cas, le jeu est de qualité, l’émotion qui se dégage des personnages est poignante.
style="font-size: x-small;">Dans le style du Wu Xia Pian (film de sabre et de chevalerie) ce film est une véritable réussite : les admirateurs de Tigres et Dragons ou de Hero seront sans aucun doute convaincus par l’œuvre : des combats grandioses, une poésie sensible, une histoire d’amour tourmentée, un bon moment…

En tant que dramaturge, Zhang Yimou a su donner à ses personnages une dimension à la fois surhumaine et humaine : même un héros commet des erreurs (si tant est que ces actes soient considérés comme des erreurs).
Tout d’abord, il convient de souligner l’assez grande présence d’érotisme tout au long du film. Les scènes sont certes courtes, plus suggestives qu’évidentes, et se rapprochent même d’une certaine forme d’art de l’amour, mais le film baigne dans un esprit troublant de sensualité et de banalisation des désirs. En outre la violence psychologique ou physique de certaines scènes pourra choquer un
public sensible.

Outre ce côté érotique, la question des relations amoureuses entre les personnages est assez sensible. Ce qui n’est qu’un jeu de séduction devient une aventure et l’aventure se transforme en drame. Racine n’aurait pas mieux traité de la jalousie : une plante haineuse s’épanouit dans le terreau sec de l’amour déréglé, désorienté. Les héros ne sont pas des exemples d’héroïsme et de vertus. Alors qu’une morale réaliste et solide nous enseigne le détachement, le pardon et le respect, l’amour semble ici être la justification, le moteur, voire pire, la raison d’actes incontrôlés.
Ceci dit, le cinéaste reste assez distant du sort de ses personnages, il ne porte pas de jugements positifs ou négatifs sur la conduite de ses personnages, mais justement il laisse le spectateur libre de trouver la solution : c’est un jeu dangereux ! En fait il est difficile de savoir s’il veut faire passer l’acte comme venant d’
une faiblesse ou comme venant d’une force. Tout le problème réside dans cette ambiguïté qui est attrayante parce que proche de ce que nous vivons mais dangereuse parce que s’en tenir à une simple constatation empirique des mouvements de l’homme endort les réflexes de notre pensée morale.

Cependant, le réalisateur ne passe pas à côté de sentiments et de volontés nobles, comme le soucis de servir sa cause, la fidélité à ses amis, et l’esprit de sacrifice chevaleresque.

Jean LOSFELD