L'Enquête

Film : L'Enquête (2013)

Réalisateur : Vincent Garenq

Acteurs : Gilles Lellouche (Denis Robert), Charles Berling (Le Juge Van Ruymbeke), Laurent Capelluto (Imah Lahoud), Florence Loiret-Caille (Géraldine Robert)

Durée : 01:46:00


Au moment où les Français n'ont plus aucune considération pour leurs hommes politiques, au moment où on apprend l'existence d'un pseudo-scandale lié aux comptes dissimulés du Swissleaks (un grand mot inventé par les médias pour essayer de faire le buzz), au moment où la droite tente tant bien que mal de se recomposer pour affronter l'échéance de 2017, de grands acteurs s'alignent pour incarner impeccablement les grands hommes impliqués dans une affaire encore bien trouble : l'affaire Cleastream, qui sonna le glas des ambitions présidentielles de Dominique de Villepin.

 

Le fait que tous ces politiques concernés soit encore vivants présente a priori un inconvénient de taille : celui de ne pouvoir tout dire dans le film sous peine de se faire de nouveaux ennemis, de réveiller des rancœurs encore vivaces, voire d'encourir les foudres judiciaires.

Pourtant non seulement ce film surmonte cet écueil mais il en tire même une force. Pour éviter les poursuites, les faits sont scrupuleusement rapportés, ce qui confère au scénario une très grande exactitude quant à l'historicité, sans pour autant hésiter à pointer du doigt de manière parfois cinglante les différents protagonistes de l'affaire.

Le film est-il piloté ? Vaste question... Il est clair qu'il ne donne pas une très belle image de la droite, il est également vrai que ses producteurs, comme Canal + par l'entremise de Mars Films (qui appartient maintenant à Studio Canal) ou Nord-Ouest Production, n'ont pas la réputation d'être très à droite... De là à en tirer de grandes conclusions...

 

Un autre risque encouru par une œuvre portant sur des faits réels est de ne pas réussir à trouver des événements suffisamment "excitants" pour le spectateur pop-corn lambda. Là encore le film arrive à braquer son faisceau avec intelligence sur les moments incroyables de l'histoire. Défenestration ou noyade suspectes, menaces, licenciements, loi du silence... Autant de ressorts dramatiques qui parviennent à retenir le souffle de façon particulièrement efficace sans pour autant tomber dans le thriller aguicheur.

 

Mais l'affaire Clearstream, c'est d'abord un embroglio très complexe de rapports de forces, financières, politiques, juridiques et policières, un carrefour dans lequel ce fameux "quatrième pouvoir" essaie de cheminer péniblement, démêlant les lianes les unes après les autres, jungle dans laquelle le contribuable, hébété, ne comprenait rien... jusqu'à aujourd'hui.

Car la grande force de ce film est d'avoir su, incontestablement, expliquer le compliqué. Même si le spectateur doit faire un effort de concentration devant la masse d'informations, le fil rouge tracé par Vincent Garenq est clair et, chose importante, ne tombe pas dans les théories complotistes puisque les pouvoirs qu'il dénonce, quoique occultes, sont souvent contradictoires. Or c'est la marque d'un grand scénario d'avoir su éclairer, à l'aide de différents degrés de narration, de flashbacks et de flash-forwards bien construits, sans pour autant basculer dans le simplisme.

 

Denis Robert, incarné par l'excellent Gilles Lellouche, sort clairement grand vainqueur de ce film. Ne le connaissant pas personnellement, je ne porterai aucun jugement si ce n'est qu'il n'a pas dû passer des heures très sympathiques. Ce qui est certain, c'est que dans tous les milieux, dans tous les métiers, on trouve des gens de toutes convictions qui placent la vérité et la justice au cœur de leur action.

Peut-être Denis Robert fait-il partie de ceux-là, ou pas... Mais le film raconte en tout cas l'histoire d'un homme courageux qui, au milieu de l'ordinaire du quotidien, a essayé de tenir tête à l'extraordinaire. A l'époque, il avait même été attaqué par Charlie Hebdo, c'est dire s'il est sympathique !