Les chemins de la liberté

Film : Les chemins de la liberté (2010)

Réalisateur : Peter Weir

Acteurs : Jim Sturgess (Janusz), Ed Harris (M. Smith), Colin Farrell (Valka), Saoirse Ronan (Irena) .

Durée : 02:14:00


Cet hommage sensible et esthétique à ceux qui se sont échappés des goulags montre le pouvoir du courage et de la bonté face à la cruauté des hommes et de la nature.

Inspiré d'une histoire vraie et adapté du roman A marche forcée écrit par Slavomir Rawicz, lui-même prisonnier polonais dans un goulag stalinien, Les chemins de la liberté est une œuvre émouvante et belle.

 

Si l'on est habitué à voir à l'écran les exactions nazies, on voit plus rarement les horreurs du communisme. La reproduction du camp russe pourra ainsi sembler déroutante. Le chef décorateur avait initialement présenté une structure qui, selon le réalisateur Peter Weir, faisait trop penser aux camps allemands plus organisés. Il a donc fallu se détacher de ces images pour atteindre l'authenticité d'un goulag bricolé par les détenus eux-mêmes. Une autre particularité de ces camps sibériens, comme le rappelle un officier, était d'être perdus dans une nature particulièrement immense et hostile. En camp, la durée de vie des prisonniers était très faible, mais en dehors, les chances étaient quasi nulles. Ce film raconte alors l'histoire d'une poignée d'hommes qui préfèrent mourir libres en tentant d'affronter les montagnes et la faim. Grâce à une variation des plans larges et des plans rapprochés, Peter Weir parvient à nous donner une larme du sentiment de désespoir. Tout est violence.

 

Tout d'abord il y a l'injustice du régime stalinien : dans une scène poignante et remarquablement jouée, une femme, préalablement torturée, est forcée de dénoncer son mari pour un crime qu'il n'a manifestement pas commis. Accuser à tort est déjà une violence mais le régime communiste excelle dans l'art de déchirer les familles, les amitiés, les voisinages. Cette terreur, Peter Weir la filme froidement en se plaçant essentiellement du côté des victimes sans misérabilisme. Le tortionnaire n'a ici pas d'intérêt, seule la manière de survivre compte.

 

A cette injustice vient s'ajouter un isolement total, la peur, la paranoïa, la faim, le froid, le travail dans la mine, les humiliations... Et pourtant, même dans ces moments qui paraissent insoutenables, l'histoire regorge de récits d'hommes et de femmes qui trouvent au fond d'eux la force de vivre. C'est le cas de ces quelques inconnus qui n'ont rien d'autre en commun que la souffrance. Le suicide n'est d'ailleurs évoqué qu'une seule fois et pour être montré comme une mauvaise alternative. Janusz, le Polonais trahi par sa femme, se révèle rapidement être le leader non seulement en raison de ses connaissances de la nature, mais aussi à cause de sa bonté que l'Américain Mister Smith (Ed Harris) appelle une faiblesse. Chacun œuvre pour sa propre survie mais c'est finalement grâce à la solidarité que certains pourront s' en sortir.

 

Au-delà de l'extraordinaire prouesse d'avoir traversé plusieurs milliers de kilomètres dans des conditions extrêmes, c'est une aventure humaine et un hymne au courage que les cinéastes montrent. Smith est une icône. Il représente tous les Américains qui sont partis trouver du travail lors de la grande dépression et qui ont été pris malgré eux dans l'impitoyable machine communiste. Selon Colin Farrell, Valka incarne quelque chose de plus grand que lui, l’hypocrisie et l’échec de ce système corrompu et dictatorial. Le personnage du prêtre rappelle les persécutions religieuses qui ont sévi. Ainsi chaque personnage est porteur d'un sens qui rend hommage à des centaines de milliers de victimes.

Au cours de cette marche sans fin, les personnages semblent se parfaire. Les comportements égoïstes se dissipent peu à peu et même Valka, criminel russe un peu psychopathe, apprend à se conformer aux règles du groupe. On peut y voir une réfutation du communisme. Séduisant par sa volonté de rapprocher les peuples dans une grande communauté unie, ce système se révèle destructeur de la personnalité et de la diversité. Mais comme le montrent ces hommes, la réponse n'est pas l'individualisme mais la bienveillance, non pas par le partage forcé des biens, mais par le don de soi.

 

Ce brillant hommage est servi par des images d'une grande beauté. De la Sibérie à l'Inde, les évadés traversent tous les types de paysages filmés avec une poésie qui contraste avec la dureté du voyage. Belle mais hostile, la nature est à l'image de l'homme.