Les Jardins du Roi

Film : Les Jardins du Roi (2014)

Réalisateur : Alan Rickman

Acteurs : Kate Winslet (Sabine De Barra), Matthias Schoenaerts (André Le Nôtre), Alan Rickman (Le roi Louis XIV), Stanley Tucci (Duke Philippe d'Orleans), Helen McCrory (Madame Le Nôtre), Steven...

Durée : 01:52:00


Connaissiez-vous Sabine de Barra ? Moi non, et personne autour de moi ne semble la connaître bien. Quel est le risque ? Que le film se mette à raconter n'importe quoi. A-t-on un point de comparaison ? Oui. Madame de Barra aurait eu une liaison avec André le Nôtre et, pour le coup, ce brave homme est bien connu de nos services.

Or du point de vue historique, le film prend des largesses coupables. Cet homme à qui on confia les jardins de Versailles avait une bonhomie naturelle (il était même connu pour ça), ce qui n'apparaît pas du tout dans le film. De plus, au moment où est construit le bosquet des rocailles, enjeu de Madame de Barra dans le film, André le Nôtre avait 70 ans ! Ici on lui en donnerait 40 ! Il avait 25 ans de plus que le roi, sur l'écran il semble en avoir 25 de moins ! Ça commence bien !

Puisque l'historicité ne semble donc pas être la première préoccupation des scénaristes, attachons-nous aux thèmes traités dans le film.

D'une manière générale, notre bon roi Louis XIV n'est pas traité avec force mépris. Sa cour est ridicule certes, mais comme elle l'était alors, même si on eût aimé qu'elle fût envisagée dans sa globalité, c'est-à-dire en considération des grands hommes qui la fréquentèrent. Poètes, musiciens, sculpteurs, grands clercs etc. n'apparaissent pas sur la pellicule, ce qui donne l'image fausse que tout le monde était vénal et/ou intriguant.

Le personnage du roi est traité avec humanité et un certain respect. Il apparaît préoccupé de sa grandeur mais au travers lui de celle de la France. La mort de Marie-Thérèse l'affecte profondément et le rapproche de Madame de Maintenon qui, elle, passe dans le film pour être l'odieuse rivale de Madame de Montespan, alors que c'était précisément l'inverse dans la réalité. Faut-il rappeler que la piété de Madame de Maintenon n'avait d'égal que l'impiété et la bassesse de la seconde, qui est présentée dans le film comme une femme au contraire rejetée à tort par le roi ?

Le film porte en revanche les fantasmes de son temps.

Le premier : montrer maladroitement une conquête féministe. Les femmes sont montrées courtisanes, obligées d'assumer la brutalité de leurs hommes, d'intérioriser leurs interdits, de supporter leurs passades. Au milieu de cette vision fausse, notre Sabine paraît libre et pleinement femme. D'abord elle est compétente dans sa partie, le jardinage. Oui, on sait que les femmes sont capables de jardiner, merci pour elles, mais avait-on besoin de Lionsgate et BBC Films pour le savoir ? Ensuite, elle dit ses quatre vérités au roi, s'attirant par sa franchise non calculée bien sûr les faveurs de la Montespan. Enfin elle ne se sert pas de ses jupons pour progresser. Dans notre société obsédée sexuelle, on n'imagine bien sûr pas que ce fut possible à l'époque, nouvelle contre-vérité.

Dans la même ligne, il fallait absolument imaginer André le Nôtre empêtré dans une relation conjugale viciée et vicieuse. Sa femme est censée dans le film être une libertine, « justifiant » ainsi, d'après le scénario, la conduite adultère de Le Nôtre avec Sabine de Barra. Franchement, ces gens-là me fatiguent.

Que peut-on donc tirer d'un film historique sans historicité qui relate la vie d'une femme inconnue au sein d'une noblesse de cour caricaturée ?

Ma question est rhétorique, bien sûr.