Les Lyonnais

Film : Les Lyonnais (2011)

Réalisateur : Olivier Marchal

Acteurs : Gérard Lanvin (Momon Vidal), Tchéky Karyo (Serge Suttel), Daniel Duval (Christo), Dimitri Storoge (Momon Vidal jeune)

Durée : 01:42:00


Un biopic sur une personnalité du milieu parfaitement réalisé et prenant, mais qui ne se défait pas de sa grande ambiguité morale.

En peu de films, Olivier Marchal a su se constituer une position et une réputation que pourraient lui envier bien d’autres cinéastes plus établis dans le métier. L’ancien policier à la PJ a commencé par être acteur au cinéma et à la télévision avant de se lancer dans la réalisation : Gangsters (2002) avec Richard Anconina et Anne Parillaud, 36 Quai
em> des Orfèvres (2004) avec Daniel Auteuil et Gérard Depardieu, MR-73 (2008) avec encore Daniel Auteuil et, enfin, la série Braquo (2009) avec Jean-Hugues Anglade et Nicolas Duvauchelle. Des films tous caractérisés par leur noirceur, leur pessimisme profond qui rappelle par moment les films d’Alain Corneau ainsi que par leur fort usage de la violence, tant physique que psychologique. Il en sera de même avec Les Lyonnais qui replonge une fois de plus dans le monde du crime à une différence près : alors que les trois précédents films représentaient le point de vue des policiers, celui-ci adopte, au contraire, la perception des truands. De plus, il s’inspire d’un véritable fait divers, la célèbre épopée du gang des Lyonnais qui commit plusieurs braquages
spectaculaires durant les années 1970 avec la particularité d’éviter toute effusion de sang. Le scénario se concentre plus particulièrement sur le parcours de son leader Momon Vidal, transposition d’Edmond Vidal, ancien truand désormais retiré des affaires. Le film est donc à rapprocher des biopics de truands fameux qui fleurissent ces dernières années, Le dernier gang (2007) d’Ariel Zeitoun, Lennemi public Numéro 1 et Linstinct de mort (2008) de Jean-François Richet et Limmortel (2010) de Richard Berry. Olivier Marchal s’attaque donc à un sujet désormais balisé.

style="font-family: Arial,sans-serif;">Pour incarner Momon Vidal, c’est Gérard Lanvin qui a été choisi, en remplacement d’Alain Delon un temps pressenti. Un choix que Olivier Marchal a finalement apprécié : « Il dégage quelque chose de populaire, de rustre mais près des siens, un peu comme Momon ». L’acteur, surtout connu pour ses rôles de dur et de pince-sans-rire, avait été aussi convaincant dans des rôles dramatiques (Le fils préféré de Nicole Garcia, Le goût des autres
em> d'Agnès Jaoui) que comiques (Le boulet d’Alain Berbérian, Trois zéro de fabien Onteniente). Ce rôle n’est pas une nouveauté pour lui puisqu’il a déjà incarné un personnage de truand ayant existé, Charly Bauer dans Linstinct de mort de Jean-François Richet et a même été déjà un membre du gang des Lyonnais dans la série télévisée La Traque (1980) de Philippe lefebvre. Ici, il incarne un Momon Vidal sexagénaire, retiré des affaires et qui n’aspire qu’à la tranquillité avec sa famille, mais va être obligé de replonger pour sauver son meilleur ami. Face à lui, Tchecky Karyo interprète son ami d&
rsquo;enfance, Serge Suttel, qui lui, continue ses affaires de truand et cache un lourd secret. Véritable « gueule » du cinéma français, surtout connu pour ses nombreux rôles de truands et de policiers corrompus (Doberman de Jan Kounen, Le baiser mortel du dragon de Chris Nahon), il est parfaitement à sa place avec ce rôle qui, lui, est fictif contrairement au personnage de Momon Vidal. Les deux acteurs sont très convaincants dans leurs personnages respectifs et se donnent la réplique sans faiblesse. Autour d’eux, on retrouve d’autres « gueules du cinéma français » que l’on a d’ailleurs pu voir dans d’autres films d’Olivier Marchal : François Levantal qui jouait déjà dans Gangsters, Francis Renaud et Daniel Duval
que l’on a pu voir dans 36 Quai des orfèvres.

Si l’on ajoute à cela que Géard Lanvin a déjà joué avec Olivier Marchal dans Le fils à Jo de Philippe Guillard et que le réalisateur a encore fait appel à Denis Rouden, directeur de la photographie qui a travaillé sur tous ces précédents films excepté Gangsters, On peut dire qu’Olivier Marchal est un réalisateur fidèle qui aime retrouver les mêmes partenaires.

Techniquement, il n’y a pas grand-chose à reprocher au film. Très bien réalisé,
bénéficiant d’un casting au diapason, le film se laisse suivre sans temps mort, sachant doser scènes d’action, suspens et émotion. Le film alternent flash-back illustrant l’enfance et la jeunesse de Momon et Serge, en couleurs sépia, et images actuelles à la luminosité plus forte. Ces flash-back nous permettent d‘avoir un petit aperçu de la France des années 1960-70 ainsi que d’illustrer les liens existant entre crime et politique, notamment par le biais du SACF et des barbouzes gaullistes. Malheureusement, cet aspect très intéressant du film est vite abandonné. Légèrement moins noir et pessimiste que ses deux précédents, le film est évidemment romancé par rapport à la réalité des faits auquel il renvoie. « Je me suis toujours inspiré
em> de personnages ou dévénements réels pour fabriquer de la fiction » déclare le réalisateur qui a cependant obtenu la caution du vrai Edmond Vidal qui ne souhaitait personne d’autre que lui pour faire un film sur sa vie et qui a assisté au tournage. « Je voulais quil soit comme caution afin que le film soit ancré dans sa conduite à lui, sa morale,
em> malgré les libertés quon a pu prendre. Cétait un garde fou ».

C’est d’ailleurs à ce niveau que se situe le problème du film, sur le fond. En effet, il est souvent difficile de faire un film de gangsters sans risquer de tomber dans l’empathie pour les personnages, voire la fascination pour le milieu dans lequel ils évoluent. Le film d’Olivier Marchal n’échappe pas à cette tendance même s’il tend à l’atténuer. En effet, Momon Vidal est présenté comme un gangster à l’ancienne, avec un code de l’honneur, qui n&
rsquo;exerce aucune violence inutile, ne touche pas à la drogue et a été suffisamment sage pour se retirer des affaires du grand banditisme. Par comparaison, on lui oppose une petite bande de jeunes braqueurs censés incarner la nouvelle génération de truands, des fous de la gâchette qui n’ont guère de respect pour la vie humaine, ainsi que le réseau de trafic de drogue dont le chef en veut à son ami Serge Suttel, véritables monstres humains sans foi ni loi qui n’hésitent pas à tuer ou torturer sans pitié pour arriver à leurs fins. Procédé un peu facile, déjà utilisé avec le personnage de Charly Mattei, incarné par Jean Reno dans Limmortel, afin de présenter une image honorable du truand de la bonne époque. Cela semble d’ailleurs une intime conviction d’Olivier Marchal qui affirme que «&
nbsp;les gangsters d’hier avaient une morale ». On pourrait lui objecter que si les truands d’il y a quelques décennies causaient globalement moins de dégâts que ceux d’aujourd’hui, c’est surtout parce qu’ils redoutaient les foudres d’une justice beaucoup plus sévère en ce temps. Et qu’il se trouvait déjà à l’époque, des chiens fous sans respect pour la vie humaine. L’ensemble du film est construit autour de cette conception du monde du crime quelque peu simpliste, désignant doctement les bons et les mauvais truands, non sans un certain manichéisme. Les situations décrites permettent également à Momon de commettre quelques actions illégales et immorales (y compris un double meurtre de sang-froid) en ayant une caution de légitimité. Le film n’est pas complètement immoral puisque ces actions se font aux dé
pends de personnages détestables, immondes crapules sans foi ni loi. De plus, le film montre quand même les limites du code de l’honneur de Momon lorsque ce dernier s’aperçoit que même Serge, celui qu’il croyait son meilleur ami et allié, ne l’a pas toujours respecté. Découverte qui l’amène à coopérer avec la police. Le point de vue de cette dernière n’est pas totalement absent, incarnée notamment par le commissaire de police Max Brauner (Patrick Catalifo), vieille connaissance de Momon puisqu’il a assisté, tente ans plus tôt, à son arrestation et son interrogatoire. La plus grande part de moralité du film vient essentiellement des femmes présentes dans le film, que ce soit par le biais de la femme de Momon, Janou (Valeria Cavalli), qui reproche à ce dernier d’avoir repris contact avec le milieu malgré la promesse passée de n&
rsquo;en rien faire, ou bien Lilou Suttel, la fille de Serge, (Estelle Skornik) qui en veut à son père pour son activité de truand. Signalons que dans ce film, la famille a une certaine importance puisque Momon et Serge s’attachent avant tout à protéger les leurs et que le tiraillement de Momon entre sa volonté d’aider son ami et son attachement à une vie rangée est surtout motivé par sa femme et ses enfants.