Loin de la foule déchaînée

Film : Loin de la foule déchaînée (2015)

Réalisateur : Thomas Vinterberg

Acteurs : Carey Mulligan (Bathsheba Everdene), Matthias Schoenaerts (Gabriel Oak), Michael Sheen (William Boldwood), Tom Sturridge (Sergent Troy)

Durée : 01:59:00


Il faut absolument que je sois honnête avec vous. Les grandes romances me sortent par les pores de la peau. Vous savez ? Ces romances dans lesquels machin aime machine, mais c'est impossible car la société ne le permet pas, et quand machine se met à aimer truc, machin souffre si fort que ça en devient si beau ! Autant en emporte le vent, Orgueil et préjugés, Anna Karénine, toutes ces choses si puissantes qui font frissonner tout le monde sauf moi, qui ai de mon côté envie de distribuer des tartes à tous les personnages. M'enfin bon... C'est le métier : je dois passer outre et vous parler de cette nouvelle romance cinématographique qui d'ailleurs, fut d'abord littéraire sous la plume de Thomas Hardy.

Le point central de l'histoire est Bathsheba Everdene, dont le nom a inspiré celui de Katniss Everdeen. Avec son prénom de croquettes pour chats, Bathsheba est une fille simple, courageuse et pauvrette au début, mais soudainement devenue riche grâce à un héritage. Prisonnière d'une époque victorienne qu'on dit peu tendre pour les femmes, elle a décidé qu'elle ne ferait pas de mariage de raison, quoiqu'il arrive, puisqu'elle est une femme libre et indépendante.
Le film se veut donc féministe entre les lignes, en offrant au spectateur l'image d'une femme qui a le courage de diriger sa grande ferme, et l'arrogance de vouloir aimer celui qu'elle épousera. Or on peut en vouloir tant qu'on veut aux mariages de raison, ils présentent des avantages que n'offre aucune folie romantique. Car notre demoiselle, délaissant les beaux partis, vibrera dans la plus pure tradition romantique pour un homme dont elle ne sait rien mais qui présente le double avantage de porter un uniforme et d'avoir l'air sûr de son amour.
Bathsheba devait en effet choisir entre trois hommes. Celui qui l'aimait mais qui n'était pas de sa condition (un berger admirablement interprété par Matthias Schoenaerts) , celui qui ne l'aimait pas d'amour et qui était de sa condition, ou celui qui aimait son corps et qui était de sa condition.
Bien entendu elle fera la plus mauvaise pioche, puisque son cœur dicte sa conduite.

Expliqué comme cela, le film a l'air plus dégoûtant que ragoûtant. C'est pourquoi il serait malhonnête de s'arrêter là.
En effet, le film est autant centré sur Bathsheba que sur la relation qu'elle entretient avec le berger qui la courtisait avant sa fortune soudaine. Tout au long de l'œuvre, ces sentiments évoluent. Matthias Schoenaerts incarne un berger aussi plus que parfait que le temps de l'indicatif. Un homme bien, ce Gabriel Oak, avec les airs de terroir, la solidité et la discrétion d'un saint Joseph. Les amours de Bathsheba naissent et passent, mais sont comme une mer agitée sur un fond stable. Gabriel continue d'aimer, malgré ses dénégations (ça c'est leur grand truc, aux romantiques : dire que non alors que oui), et Bathsheba comprend progressivement à côté de quoi elle passe. Gabriel passe du prétendant à l'ami, puis de l'ami à l'amoureux transi (quoique toujours digne).
De plus, les amateurs (ou amatrices) de romance en auront pour leur argent. La chanson au piano, la relation sauvage et quasi platonique dans la clairière, les paysages magnifiques, l'uniforme du bellâtre... Un cœur d'artichaut savoureux à souhait.

On aime ou on aime pas. Quoiqu'il en soit le scénario est efficace, les acteurs remarquables, la chose bien filmée, la musique propre et discrète. Après, c'est vous qui voyez bien sûr !