Misère de l'homme sans Dieu

Film : Undercover - Une histoire vraie (2018)

Réalisateur : Yann Demange

Acteurs : Richie Merritt (Ricky Wershe Jr.), Matthew McConaughey (Richard Wershe Sr.), Jennifer Jason Leigh (Alex Snyder), Bel Powley (Dawn Wershe), RJ Cyler (Rudell Boo Curry), Rory Cochrane (Agent Byrd),...

Durée : 1h 51m


Dans un Détroit déjà miné par les premières difficultés économiques des eighties, début d'une longue descente aux enfers pour l'ex-capitale de l'automobile, un gamin, Rick, se laisse embigader dans les réseaux du trafic de drogue. 
Il est le dernier rejeton d'une famille semble-t-il ratée : le père fait de la revente d'armes illégale aux traficants, brille par sa vulgarité (au sens le moins grossier du terme), la fille carbure à la poudre, le fils trafique, et la mère a fichu le camp il y a longtemps déjà. Présentée sous un jour humoristique en début de film, cette médiocre situation finit par peser sur chaque personnage avec tout le poids du désespoir. Rien, dans ce monde sans Dieu, n'inspire l'espérance. Aucune petitesse ne semble belle, aucune faiblesse ne semble grande, aux yeux de ces malheureux. La tentation de l'argent facile s'offre comme unique solution. 

L'originalité du film consiste en son authenticité : l'histoire, comme l'indique le titre français, est vraie: le petit Rick a en effet dealé, puis travaillé pour le FBI à seulement quinze ans. Pour compléter le tableau, le flou moral s'est abattu comme un brouillard malsain sur ces quartiers : la police, incapable d'avoir ses agents doubles, en vient à risquer la vie d'un adolescent pour ses petites enquêtes, voire à en faire un bon petit dealer pour le rendre plus crédible chez les traficants. Quand les forces de l'ordre perdent leur sens moral, quel ordre servent-elles vraiment ? 

On ne boude pas son plaisir à voire Matthew MacConaughey se salir les mains et se risquer à tenir un rôle de raté. S'il offre un bien triste spectacle, ce White Boy Rick (titre original) n'en réserve pas moins de belles séquences d'acting ; un peu de beauté trouvée par son auteur chez les petites gens. On y constate aussi, le cas échéant, la chance qu'on a, nous, spectateurs, dans une situation plus stable, plus facile, plus unie ; et voir les ténèbres peut allumer des vocations de porteurs de lumière... 
La tragédie de leur désespoir mériterait plus grand encore, mais cette virée chez les anonymes destins céliniens pourra en inspirer d'autres, dans la grande tradition du Nouvel Hollywood.