Mon père est femme de ménage

Film : Mon père est femme de ménage (2010)

Réalisateur : Saphia Azzeddine

Acteurs : François Cluzet (Michel), Jérémie Duvall (Polo), Nanou Garcia (Suzanne), Alison Wheeler (Alexandra)... .

Durée : 01:20:00


Un drame social inégal mais assez original sur le fond, qui évite les travers du genre et dénonce le racisme... même anti-blanc !

Mon père est femme de ménage est le premier film de la réalisatrice Saphia Azzeddine, qui jouait récemment dans L'italien, d'Olivier Baroux. L'objectif est clair : mettre le doigt sur les différences communautaires au sein d'une petite cité de banlieue.

align="justify">La famille de Polo est en effet comme des millions dans son genre. Le père a un petit emploi (homme de ménage), la mère est alitée à cause d'un problème mal identifié, la fille rêve de devenir Miss quelque chose et le fils, Polo, incarné par un Jérémie Duvall découvert dans le fils à Jo, est un garçon bon en classe sans être génial.

Il est incontestablement le plus instruit de tous. Il lit des livres (si si !), connaît des mots compliqués comme « prothésiste ongulaire » ou « laxative, » et écrit des dissertations qui plaisent à la prof. Il n'aime pas les filles sauf Priscilla qui est « cool » et assume assez mal le fait que son père soit employé d'une société de propreté.

Mais cette révolte sonne plutôt faux. Il aide son père dans son emploi, réagit plutôt bien quand il se fait, rarement, chambré par ses copains, mais pique une crise une fois contre son père parce que celui-ci est « femme de ménage », avant de s'excuser platement. Ce qui est le titre du film devient de ce fait presque anecdotique dans le scénario.

François Cluzet joue pourtant à la perfection un personnage d'une grande justesse. Il a, comme beaucoup d'habitants des quartiers dits « difficiles, » la tête sur les épaules. N'hésitant pas à claquer son fils quand il le mérite, il se sacrifie entièrement pour lui. Il assiste aux réunions avec les professeurs, s'exaspère devant le laxisme des autres parents, encourage son fils dans toutes ses épreuves, se réjouit de ses victoires et souffre de ses échecs. Son
objectif : que son fils ne devienne pas comme lui. On devine qu'un tel rôle, entre les mains de François Cluzet, ravage les mouchoirs des spectateurs. Saphia Azzeddine a de ce point de vue touché son objectif : « Je ne voulais surtout pas que mon personnage principal soit misérable. Je voulais un homme qui a dégringolé professionnellement, qui fait des ménages et qui se bat pour être un bon père sans culpabiliser de ne pouvoir offrir un iPhone à son ado. Un homme qui ne lâche rien dans l’éducation de son fils pour qu’il fasse mieux que lui. Un homme qui puisse foutre une baffe à son fils lorsqu’il dépasse la limite sans le regretter pendant des plombes. Un homme digne, un bon père de famille avec un boulot difficile dans une société qui ne valorise que l’argent, la consommation, le pouvoir… » (in Dossier de Presse).

La mère de Polo, effacée, vit sa vie par procuration. Aimée de son mari et de ses enfants, elle passe le plus clair de son temps alitée, regardant des émissions populaires comme si elles engageaient l'avenir du pays et encourageant sa fille à travailler sa prestation de Miss. Elle vit ses danses, connaît ses chansons par cœur, prépare avec elle les banalités qu'elle déclamera sur le podium... Avec son fils c'est pareil. Sa déception est palpable quand il n'a rien a raconter sur sa journée, à lui faire vivre...

La fille a autant d'intérêt qu'une potiche, tellement qu'elle en devient touchante. Elle s'extasie devant les clips débiles que regarde sa mère, danse en rythme et tente d'imiter des mouvements ridicules, ne rêve que d'être belle et célèbre. Peu importe que ce soit féministe ou pas. L'
important est de savoir si les jeunes filles sont globalement comme ça. Si c'est le cas, la fracture sociale est un canyon.

Il ressort de tout cela un film inégal qui a au moins le mérite de ne pas pleurnicher comme la plupart de ses prédécesseurs sur la condition des Noirs et des Arabes dans les cités. Mieux : il dénonce la mal-être des Français « de souche » qui ne peuvent, eux, partir en vacances au bled, qui ne veulent pas « se taire parce qu'il sont blancs, » qui ont totalement oublié qui est Jésus et ne le redécouvre au Louvre qu'en le trouvant beau et sexy (ce qui donne lieu au passage à la lecture par un professeur extasié d'une des dissertations de Polo, particulièrement déboussolée). Les dialogues, assez mal prononcés par de jeunes acteurs qui veulent absolument avoir l'air « racailles, » sont malgré tout assez justes.
Pour la réalisatrice : « J’ai simplement raconté une histoire qui me ressemblait et dépeint une bande de copains qui se vannent toute la journée et triturent leur appartenance sociale, culturelle et religieuse » Les copains de Polo sont comme par hasard un juif, un Arabe musulman, un Noir et un rom, ce qui conduit à des discussions assez épicées sur chacun, ou aux blagues carrément racistes... sauf sur Polo parce que « si t'es un breton t'es invisible. C'est comme si t'étais rien du tout. »


Raphaël Jodeau