Mondialisation et bons sentiments

Film : Nos batailles (2018)

Réalisateur : Guillaume Senez

Acteurs : Romain Duris (Olivier), Laetitia Dosch (), Laure Calamy (), Lucie Debay (), Marc Robert (), Lena Girard Voss (), Basile Grunberger (), Dominique Valadié ()

Durée : 1h 38m


Nos batailles livre pieds et poings liés Olivier (Romain Duris) à une situation familiale ingérable : un travail à la chaîne dans une usine de triage des colis qui ressemble beaucoup à Amazon, une femme qui se barre sans laisser d'explication, et deux enfants dont l'un a tendance à devenir autiste à cause de ce quotidien routinier qui a pour nom : chambard. Ce film autobiographique raconte une expérience vécue par le réalisateur lui-même, Guillaume Senez : "Il évoque la disparition d’une mère et les efforts d’un père pour empêcher la dislocation de son foyer. Un père qui devra batailler pour trouver un équilibre entre ses engagements professionnel et familial."

Senez se défend d'avoir voulu porter à l'écran une dimension théorique à son scénario : Nos batailles propose selon lui un regard sur le monde du travail d’aujourd’hui et plus spécifiquement ses répercussions sur la famille. Le moyen qu'il utilise est l'empathie, portée à haute dose pour sensibiliser le public sur le danger d'une société qui évolue sans se soucier de la cellule de base au sein de laquelle chaque individu est censé s'épanouir.

Un éloge de la paternité sensible

Rien que par son sujet, le film aborde pourtant des thèmes pas forcément courants au cinéma : d’une part un homme plaqué avec deux enfants, et d’autre part la disparition progressive de l’humain face au capitalisme 2.0. On avait déjà vu cela dans Métropolis de Fritz Lang (1927) ou Les Temps modernes de Chaplin (1936), mais à cette époque, les réalisateurs n'hésitaient pas à inclure un petit message politique destiné à contester ce système social.

Ici, le bon Senez ne joue que sa petite partition humaniste au milieu du chaos industriel et managérial organisé par la machine à profits du GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) qui gobe son héros comme le Moloch dans Métropolis. Il ne se révolte que contre les conditions de travail pénibles qui l'atteignent dans l'immédiat, lui et son équipe, sans se questionner sur le sens profond du travail effectué et du système qui le broie. L'urgence de la vie de famille commande le scénario, et une fatalité s'installe. Comme dans le pari de Pascal, le héros n'a plus qu'à avoir bon coeur au milieu de son infortune, à parier en toute légèreté que l'avenir sera meilleur et que Laura reviendra... sans que rien ne puisse lui donner une seule raison pratique d'espérer cela. Le film éveille de dignes élans de paternité, mais sa sensiblerie le complaît et l'enferme dans la présence d'une absence féminine et maternelle ne souffrant aucune justification... parce que Olivier est complètement à côté de la plaque, ce qui aurait dû être le vrai sujet du film.